- lun. juin 26, 2006 10:21 pm
#34339
Ca y est, Blandine, je me lance. Pas facile de trouver les mots pour un mal étouffé pendant plus de 20 ans...Je me suis confiée pour la 1ère fois sur le site. Maintenant je veux aller plus loin. Mon histoire n'est pas si grave au regard de ce que beaucoup ont traversé ici, mais c'est une page de ma vie d'une violence inouïe. Tes questions il y a quelques mois ont provoqué des émotions dont je ne soupçonnais même pas l'existence. Je ne pouvais pas y répondre mais elles me hantaient. Là, je veux essayer.
Tu voulais connaître nos sensations/émotions avec un corset, plâtre, dans le cadre, lors des examens,etc. A tout juste 15 ans, ces multiples regards sur mon corps m'étaient insupportables. Ma pudeur était bafouée. Mon pire souvenir ne sera même pas la violente douleur sur le cadre quand on m'a étirée. Non, le pire fut le moulage. Hôpital St V...., Paris. Une salle immense, un hall de gare.Des blouses blanches s'affairant auprès de jeunes patients. Et on m'a mise nue. Nue au milieu de tous ces gens, livrée à tous ces regards, professionnels ou non. J'aurais voulu disparaître, rentrer sous terre. Mourir. Je me suis sentie violée, salie. Je pleurais en silence. On ne m'autorisait pas la moindre dignité, j'ai perdu confiance dans le genre humain. Chaque visite fut ensuite douloureuse. Aujourd'hui encore, je ne peux pas passer près de la place "aux lions" sans être prise de malaise.
Non pas que le célèbre professeur ait été désagréable.Sans doute la personne la plus humaine de cet hôpital. Il respectait ma pudeur, lui. Mais, de "L'enfant X!" (même à 20 ans!) demandé dans la grande salle d'attente, la salle des plâtres, aux photos toute nue (1ère carrière: star du X!!!), sans oublier l'horrible Mlle ....., kiné, tout donnait envie de fuir.
J'avais l'impression que mon corps était un jouet, qu'on me refusait le statut d'être humain. A un âge où le corps se transforme, où on est en quête d'identité, où l'on découvre la sexualité, se voir nier son corps de femme est dramatique. Un viol.
Depuis, ce corps meurtri est un poids.Je cultive un rapport douloureux avec lui. Je ne sais pas vraiment quoi en faire. Entre arme de séduction et nid à complexes. Le montrer, le cacher. Ce n'est qu'en écrivant ces mots que comprends! Voilà que défilent devant moi ces années de complexes, de désordres alimentaires, de provocation aussi. Et pourtant, ma scoliose ne se voit pas...
Je me suis sans doute écartée du sujet. Désolée de m'être ainsi épanchée...