- mer. nov. 15, 2006 3:46 pm
#51117
Bonjour,
J'ai "rencontré" hier soir ce site et décide de briser ma "solitude" : j'ai 45 ans, une colonne totalement arthrodésée jusqu'au sacrum, seules les cervicales sont encore libres. Je peux donc tourner la tête, dire oui ou non, dire non au silence et à l'isolement, dire oui à la vie, au moral qu'il s'agit de garder intacte coûte que coûte ...
Pour résumer, je souffre d'une scoliose dite idiopatique diagnostiquée vers l'âge de 6 ans, prise en charge par des corsets plâtrés l'hiver, des corsets de plastique l'été, de la rééducation à l'époque appelée "gymnastique corrective", et ce jusqu'a ma puberté lors de laquelle, à 13 ans, j'ai subi ma première intervention : quelques mois d'élongation, pose de deux tiges Harrigton.
A l'époque les médecins, jugeant trop barbare de me greffer totalement la colonne, m'avaient laissé les trois dernières vertèbres lombaires sans arthrodèse.
J'ai porté ensuite des corsets, vécu cahin caha avec des douleurs plus ou moins importantes, puis les ennuis ont sérieusement recommencé après mon unique grossesse, et les greffes (après ablation des deux tiges Harrigton que mon corps rejetaient au bout de 20 ans) ont été étendues jusqu'au sacrum, le nerf sciatique ayant été endommagé par la scoliose qui "continuait" son oeuvre. Je passe des détails, abrège bien des maux : la tige qui se tord, à laquelle personne ne veut toucher, les vis qui se dévisssent, les cicatrices qui se remettent plus ou moins bien ... les corsets et les plâtres, encore ...une dizaine d'interventions au total.
Je précise que je me suis sentie extrêmement seule, que je n'ai reçu ni écoute ni soutien : mes parents, terrorisés par les opérations et le grand Professeur qui m'avait opérée, n'avaient pas la possibilité de s'exprimer, ma mère, perturbée par l'idée d'avoir mis au monde une fille "tordue" (terme que j'ai entendue toute mon enfance), m'a d'ailleurs abandonnée aux mains des médecins, me plaçant chaque été dans des centres hélio marins, où je retrouvais d'autres handicapés.
Le handicap ! Je me souviens avoir lutté, refusé cette fameuse carte qui m'épinglait à mes yeux au milieu de gens mal fichus, auxquels je me refusais de ressembler. Je me souviens avoir sacrifié mes années de jeunesse dans des pensées plus que moroses, dans une image de moi déplorable tant le avant et le après des opérations, n'ayant pas été discutés, m'ont apportée une apparence de "belle femme", soit, mais n'ont jamais supprimé les douleurs chroniques, la station debout pénible, la fatigue générale ...
J'ai été mariée, j'ai vécu 25 ans avec le même homme auquel je cachais mon dos, qui ne comprenait pas que mes douleurs n'étaient pas imaginaires, duquel j'ai divorcé il y a quelques années, en grande partie pour pouvoir vivre à mon rythme, avec de nombreux temps de repos.
J'ai longtemps, naïvement pensé que j'avais reçu mon "lot de souffrance", que je serai épargnée après toutes ces épreuves auxquelles j'ai du faire face, qui m'ont aussi "forgé le caractère" (rires), puis j'ai été autrement malade, et ma scoliose est devenue toute relative face au danger d'une autre maladie, mortelle celle là : deux cancers, un à chaque sein, à trois ans d'intervalle. Opérations, radiothérapie, chimiothérapie, divorce dans la foulée car il me fallait impérativement remettre de l'ordre dans ma vie affective qui était devenue insupportable, je suis toujours là, à gérer actuellement mes douleurs dorsales et lombaires, mes crises de cervicalgie qui occasionnent des douleurs dans le bras droit notamment, et mes séquelles suite aux cancers.
Ma fille a quinze ans : elle s'est rendue presque dix ans chez un kiné Mézières, pratique la natation synchronisée depuis son plus jeune âge, et devient une belle jeune fille bien droite, musclée, sportive, heureuse de vivre. Elle constitue le rayon de soleil de ma vie.
J'en ai d'autres, heureusement. J'ai développé avec les années des activités compatibles avec ma situation et mes limites physiques : j'anime des ateliers d'écriture auprès de publics en difficulté (personnes souffrant d'addiction, toxicomanie, alcoolisme, personnes âgées, prisonniers ...) et aussi d'autres publics plus "ordinaires, adultes comme enfants.
Je suis également peintre, je crée aussi des bijoux fantaisie que je commercialise sur des marchés d'artisan.
Voilà. J'espère ne pas avoir été trop longue à raconter mon histoire volontairement tronquée, raccourcie pour ne pas lasser. J'écris beaucoup, mais ne me suis jamais lancée dans la rédaction de cette histoire dans les détails en me disant : "qui cela pourrait-il bien intéresser ?"
Aujourdhui je m'aperçois que je suis loin d'être la seule à vivre avec ce corps récalcitrant qu'il s'agit d'accepter et d'aimer. Je me doutais bien que vous existiiez, vous qui me lisez.
Je vous en remercie très sincèrement.
Rosamaria
J'ai "rencontré" hier soir ce site et décide de briser ma "solitude" : j'ai 45 ans, une colonne totalement arthrodésée jusqu'au sacrum, seules les cervicales sont encore libres. Je peux donc tourner la tête, dire oui ou non, dire non au silence et à l'isolement, dire oui à la vie, au moral qu'il s'agit de garder intacte coûte que coûte ...
Pour résumer, je souffre d'une scoliose dite idiopatique diagnostiquée vers l'âge de 6 ans, prise en charge par des corsets plâtrés l'hiver, des corsets de plastique l'été, de la rééducation à l'époque appelée "gymnastique corrective", et ce jusqu'a ma puberté lors de laquelle, à 13 ans, j'ai subi ma première intervention : quelques mois d'élongation, pose de deux tiges Harrigton.
A l'époque les médecins, jugeant trop barbare de me greffer totalement la colonne, m'avaient laissé les trois dernières vertèbres lombaires sans arthrodèse.
J'ai porté ensuite des corsets, vécu cahin caha avec des douleurs plus ou moins importantes, puis les ennuis ont sérieusement recommencé après mon unique grossesse, et les greffes (après ablation des deux tiges Harrigton que mon corps rejetaient au bout de 20 ans) ont été étendues jusqu'au sacrum, le nerf sciatique ayant été endommagé par la scoliose qui "continuait" son oeuvre. Je passe des détails, abrège bien des maux : la tige qui se tord, à laquelle personne ne veut toucher, les vis qui se dévisssent, les cicatrices qui se remettent plus ou moins bien ... les corsets et les plâtres, encore ...une dizaine d'interventions au total.
Je précise que je me suis sentie extrêmement seule, que je n'ai reçu ni écoute ni soutien : mes parents, terrorisés par les opérations et le grand Professeur qui m'avait opérée, n'avaient pas la possibilité de s'exprimer, ma mère, perturbée par l'idée d'avoir mis au monde une fille "tordue" (terme que j'ai entendue toute mon enfance), m'a d'ailleurs abandonnée aux mains des médecins, me plaçant chaque été dans des centres hélio marins, où je retrouvais d'autres handicapés.
Le handicap ! Je me souviens avoir lutté, refusé cette fameuse carte qui m'épinglait à mes yeux au milieu de gens mal fichus, auxquels je me refusais de ressembler. Je me souviens avoir sacrifié mes années de jeunesse dans des pensées plus que moroses, dans une image de moi déplorable tant le avant et le après des opérations, n'ayant pas été discutés, m'ont apportée une apparence de "belle femme", soit, mais n'ont jamais supprimé les douleurs chroniques, la station debout pénible, la fatigue générale ...
J'ai été mariée, j'ai vécu 25 ans avec le même homme auquel je cachais mon dos, qui ne comprenait pas que mes douleurs n'étaient pas imaginaires, duquel j'ai divorcé il y a quelques années, en grande partie pour pouvoir vivre à mon rythme, avec de nombreux temps de repos.
J'ai longtemps, naïvement pensé que j'avais reçu mon "lot de souffrance", que je serai épargnée après toutes ces épreuves auxquelles j'ai du faire face, qui m'ont aussi "forgé le caractère" (rires), puis j'ai été autrement malade, et ma scoliose est devenue toute relative face au danger d'une autre maladie, mortelle celle là : deux cancers, un à chaque sein, à trois ans d'intervalle. Opérations, radiothérapie, chimiothérapie, divorce dans la foulée car il me fallait impérativement remettre de l'ordre dans ma vie affective qui était devenue insupportable, je suis toujours là, à gérer actuellement mes douleurs dorsales et lombaires, mes crises de cervicalgie qui occasionnent des douleurs dans le bras droit notamment, et mes séquelles suite aux cancers.
Ma fille a quinze ans : elle s'est rendue presque dix ans chez un kiné Mézières, pratique la natation synchronisée depuis son plus jeune âge, et devient une belle jeune fille bien droite, musclée, sportive, heureuse de vivre. Elle constitue le rayon de soleil de ma vie.
J'en ai d'autres, heureusement. J'ai développé avec les années des activités compatibles avec ma situation et mes limites physiques : j'anime des ateliers d'écriture auprès de publics en difficulté (personnes souffrant d'addiction, toxicomanie, alcoolisme, personnes âgées, prisonniers ...) et aussi d'autres publics plus "ordinaires, adultes comme enfants.
Je suis également peintre, je crée aussi des bijoux fantaisie que je commercialise sur des marchés d'artisan.
Voilà. J'espère ne pas avoir été trop longue à raconter mon histoire volontairement tronquée, raccourcie pour ne pas lasser. J'écris beaucoup, mais ne me suis jamais lancée dans la rédaction de cette histoire dans les détails en me disant : "qui cela pourrait-il bien intéresser ?"
Aujourdhui je m'aperçois que je suis loin d'être la seule à vivre avec ce corps récalcitrant qu'il s'agit d'accepter et d'aimer. Je me doutais bien que vous existiiez, vous qui me lisez.
Je vous en remercie très sincèrement.
Rosamaria