- ven. oct. 12, 2007 2:52 pm
#88503
Je ne sais pas pourquoi je suis allée sur ce site, je ne sais pas non plus pourquoi j'écris. Je suis partagée entre le dégoût, la tristesse, et l'envie d'aider des jeunes filles qui ont vécu la même chose que moi. Le dégoût parce que la plus part de ce que je peux lire me répugne. Pardonnez moi si mes mots sont forts, mais en repensant à ce que j'ai vécu, je hais l'existence d'un tel site. Même si je sais qu'il a vocation à aider. Pour moi ce n’est pas une maladie, les spécialistes parlent d’« accident ».
La tristesse. Je n'y pense quasiment plus, à ces quatre années où j'ai dû porter un corset jour et nuit, de l'âge de 13 ans à l’âge de 17 ans. Pour me faire finalement opérer. Mais quand je vois ce site, j'éclate en sanglots. Ne suis-je donc pas sortie de tout cela? Non. J'ai 20 ans aujourd'hui. Je suis heureuse, tout va bien. ENFIN. Je me souviens qu'après chaque rendez-vous chez l'orthopédiste, je pleurais, j'avais vu des affiches d'enfants qui portaient une jambe mécanique. Je croyais qu'on allait m'enlever mon calvaire, mais ça devait durer encore. Je demandais à papa : pourquoi moi? Pourquoi les autres n'ont rien? Pourquoi je dois endurer ça? Quand est-ce que je serai libérée? Papa me répondait: on a toujours un jour où l'autre un malheur dans sa vie. Ce n'est qu'une mauvaise période. Ça va passer. Je me disais sans cesse: quand? Quand cela va-t-il s'arrêter? De l'injustice, de l'incompréhension. Voilà ce que l'on ressent quand ça nous arrive. C'est pire que tout quand on est adolescent. On veut se faire des amis, on veut séduire les garçons. Ce n'est pas possible. J'aimais m'habiller à la mode. Je ne pouvais pas, je ne portais que des pantalons stretch et des pulls trop larges pour moi. L’été de la canicule… Un enfer ! Je ne sortais pas de chez moi, parce que si je sortais, je sortais en pull en plein été. Pas de T-shirt moulants. Pas de décolletés. Ça peut paraître superficiel, mais ça compte tellement à cet âge là. J’étais devenue difforme. Je ne pouvais pas me baisser sans paraître « raide » et sans attirer l’attention. Je détestais que l'on me touche, des fois cela faisait du bruit et on me demandait alors ce que c’était. J'en avais honte. Je me disais que j'étais handicapée. C'est ce qu'il y avait écrit sur le magasin d'orthopédie. « Handicap Conseil ». A l'hôpital, je croisais aussi des enfants tordus dans des sièges spécialement conçus pour eux. Ça me rendait encore plus malade. Bien sûr que je souffrais, bien sûr qu'il y avait tellement de personnes plus à plaindre que moi! J'étais malheureuse pour eux, mais je ne pouvais pas m'arrêter de souffrir pour autant. Peu à peu, je me suis exclue des autres. Je croyais que je n’avais pas d’amis, alors que je me rejetais moi-même d’eux. J’étouffais dans ce corset. Mon fardeau. Je ne pouvais pas respirer, et moi qui suis de nature nerveuse, je respirais encore plus mal. Obligée de déserrer les sangles après un repas, tellement j’étouffais. La nuit, j’en rêvais. Je rêvais que je ne le portais pas, ça m’angoissait. Je suis somnambule, il m’est même plusieurs fois arrivé de l’enlever en pleine nuit sans m’en rendre compte. Le matin, je culpabilisais. Les jours exceptionnels où papa et maman m’autorisaient à l’enlever, Noël par exemple, j’angoissais aussi. J’avais mal au dos, plus de muscle pour me tenir. Je me sentais comme un escargot sans sa coquille. Je le portais. Je ne le supportais pas. Je savais que je n’avais pas le choix. Je ne me suis pas permis de prendre la décision. Evidemment, quand je suis entrée au lycée, c’est devenu encore plus difficile à supporter. Je voulais plaire aux garçons, je savais qu’aucun ne voudrait de moi tant qu’il aurait la chose. De temps en temps, juste pour aller en cours, je l’enlevais. J’essayais de ne pas le montrer à papa et maman. La dernière année, je l’ai fait assez souvent. Je le faisais parce que j’étais au lycée, je voulais un nouveau départ.
Autre chose fut très difficile aussi, c’est que maman avait vécu la même chose que moi. Ou presque. Elle a été dans un centre à Lacanau avec des déficients mentaux. Elle se demandait si elle n’était pas folle. Elle portait un plâtre. Elle a dû faire une partie de sa scolarité là-bas. Elle voyait ses parents une fois tous les quinze jours. Elle s’est faite opérer. Comme moi. Alors voilà, je m’en voulais. Je m’en voulais de lui faire vivre ça à nouveau. Elle souffrait d’autant plus pour moi qu’elle savait ce que c’était. Papa et maman ne savait pas quoi faire pour que j’aille mieux. Papa m’offrait tout ce que je voulais, même ce que je n’avais pas demandé. Il paraît que je suis même devenue capricieuse, sûrement à cause de ça…
C’est vrai que cela m’a beaucoup changée. J’ai perdu confiance en moi, je me suis exclue des autres. J’étais démotivée pour tout. Je passais mon temps à me lamenter sur moi même. Ma plus grande thérapie a été l’écriture. J’écrivais beaucoup sur ma vie. Sur ce qui m’arrivait et me rendait malheureuse.
Puis, l’année de la première, j’ai rencontré trois garçons formidables qui m’ont fait reprendre confiance en moi. Je ne leur parlais pas de mon problème. Un seul était au courant. Il m’ont permis de croire à nouveau en l’amitié. Aujourd’hui, ce sont encore mes meilleurs amis. J’ai eu une chance incroyable de les rencontrer à ce moment là. L’été qui a suivi, en juillet 2004, je me suis fait opérer. Enfin. J’allais être débarrassée du fardeau. Reprendre le cours normal de ma vie. Devenir quelqu’un d’autre. J’avais longtemps redouté cette opération, mais quand elle est devenue inévitable, comme le corset, je ne me suis pas donné le choix. J’ai fait ce que les spécialistes me disaient de faire. Ce fut très douloureux, très fatiguant. Ma mère a été impressionnée par la rapidité à laquelle je me suis remise. Quatre jours après on me faisait remarcher. C’était d’ailleurs très difficile. Je me souviens vaguement… Je crois que le cerveau efface volontairement les mauvais souvenir de la mémoire. Je suis sorti neuf jours après l’opération.
Tout de suite après, j’ai repris mon sale caractère. Je l’ai bien vite reperdu depuis… Ce que je veux dire, c’est que d’un coup, je me suis senti plus forte. Ce qui ne tue pas rend plus fort, j’ai pu me rendre compte à quel point c’était vrai. Autour de moi, on ne me reconnaissait pas : je rayonnais. Je souriais. J’étais heureuse. Après la rentrée scolaire, je suis à nouveau retombée dans le pessimisme, le manque de confiance et tout ce qui va avec. Mais c’était désormais plus facile de tout supporter, car je n’avais plus aucun poids sur les épaules. J’ai repris confiance en moi au fur et à mesure que les années ont passé. Aujourd’hui, je me sens bien. A nouveau.
Pourtant je n’en suis toujours pas sortie indemne. Je pleure en regardant ce site. Je pleure en écrivant ceci. Cette semaine encore, mon entraîneur de natation, me voyant pour la première fois, me parle de ma « grande cicatrice dans le dos ». Normal, il veut savoir. Mais ça fait mal. Sans parler du fait que je ne peux pas porter de dos-nus et je prends toujours grand soin de prendre de long T-shirt qui couvrent le bas du dos, sinon quand je vais me baisser, mon T-shirt va se relever et on va encore me demander avec délicatesse ce que c’est que cette « immense cicatrice » dans mon dos. Je ne veux pas en parler. C’est une cicatrice physique et morale. Je crois d’ailleurs avoir entendu dire qu’avec la chirurgie esthétique, on pouvait effacer les cicatrices. Si cela existe, je le ferai dès que possible. Tout le monde ne comprends pas à quel point c’est une épreuve difficile. Mais on s’en sort, on se sort de tout. Mais on n’oublie jamais.
La tristesse. Je n'y pense quasiment plus, à ces quatre années où j'ai dû porter un corset jour et nuit, de l'âge de 13 ans à l’âge de 17 ans. Pour me faire finalement opérer. Mais quand je vois ce site, j'éclate en sanglots. Ne suis-je donc pas sortie de tout cela? Non. J'ai 20 ans aujourd'hui. Je suis heureuse, tout va bien. ENFIN. Je me souviens qu'après chaque rendez-vous chez l'orthopédiste, je pleurais, j'avais vu des affiches d'enfants qui portaient une jambe mécanique. Je croyais qu'on allait m'enlever mon calvaire, mais ça devait durer encore. Je demandais à papa : pourquoi moi? Pourquoi les autres n'ont rien? Pourquoi je dois endurer ça? Quand est-ce que je serai libérée? Papa me répondait: on a toujours un jour où l'autre un malheur dans sa vie. Ce n'est qu'une mauvaise période. Ça va passer. Je me disais sans cesse: quand? Quand cela va-t-il s'arrêter? De l'injustice, de l'incompréhension. Voilà ce que l'on ressent quand ça nous arrive. C'est pire que tout quand on est adolescent. On veut se faire des amis, on veut séduire les garçons. Ce n'est pas possible. J'aimais m'habiller à la mode. Je ne pouvais pas, je ne portais que des pantalons stretch et des pulls trop larges pour moi. L’été de la canicule… Un enfer ! Je ne sortais pas de chez moi, parce que si je sortais, je sortais en pull en plein été. Pas de T-shirt moulants. Pas de décolletés. Ça peut paraître superficiel, mais ça compte tellement à cet âge là. J’étais devenue difforme. Je ne pouvais pas me baisser sans paraître « raide » et sans attirer l’attention. Je détestais que l'on me touche, des fois cela faisait du bruit et on me demandait alors ce que c’était. J'en avais honte. Je me disais que j'étais handicapée. C'est ce qu'il y avait écrit sur le magasin d'orthopédie. « Handicap Conseil ». A l'hôpital, je croisais aussi des enfants tordus dans des sièges spécialement conçus pour eux. Ça me rendait encore plus malade. Bien sûr que je souffrais, bien sûr qu'il y avait tellement de personnes plus à plaindre que moi! J'étais malheureuse pour eux, mais je ne pouvais pas m'arrêter de souffrir pour autant. Peu à peu, je me suis exclue des autres. Je croyais que je n’avais pas d’amis, alors que je me rejetais moi-même d’eux. J’étouffais dans ce corset. Mon fardeau. Je ne pouvais pas respirer, et moi qui suis de nature nerveuse, je respirais encore plus mal. Obligée de déserrer les sangles après un repas, tellement j’étouffais. La nuit, j’en rêvais. Je rêvais que je ne le portais pas, ça m’angoissait. Je suis somnambule, il m’est même plusieurs fois arrivé de l’enlever en pleine nuit sans m’en rendre compte. Le matin, je culpabilisais. Les jours exceptionnels où papa et maman m’autorisaient à l’enlever, Noël par exemple, j’angoissais aussi. J’avais mal au dos, plus de muscle pour me tenir. Je me sentais comme un escargot sans sa coquille. Je le portais. Je ne le supportais pas. Je savais que je n’avais pas le choix. Je ne me suis pas permis de prendre la décision. Evidemment, quand je suis entrée au lycée, c’est devenu encore plus difficile à supporter. Je voulais plaire aux garçons, je savais qu’aucun ne voudrait de moi tant qu’il aurait la chose. De temps en temps, juste pour aller en cours, je l’enlevais. J’essayais de ne pas le montrer à papa et maman. La dernière année, je l’ai fait assez souvent. Je le faisais parce que j’étais au lycée, je voulais un nouveau départ.
Autre chose fut très difficile aussi, c’est que maman avait vécu la même chose que moi. Ou presque. Elle a été dans un centre à Lacanau avec des déficients mentaux. Elle se demandait si elle n’était pas folle. Elle portait un plâtre. Elle a dû faire une partie de sa scolarité là-bas. Elle voyait ses parents une fois tous les quinze jours. Elle s’est faite opérer. Comme moi. Alors voilà, je m’en voulais. Je m’en voulais de lui faire vivre ça à nouveau. Elle souffrait d’autant plus pour moi qu’elle savait ce que c’était. Papa et maman ne savait pas quoi faire pour que j’aille mieux. Papa m’offrait tout ce que je voulais, même ce que je n’avais pas demandé. Il paraît que je suis même devenue capricieuse, sûrement à cause de ça…
C’est vrai que cela m’a beaucoup changée. J’ai perdu confiance en moi, je me suis exclue des autres. J’étais démotivée pour tout. Je passais mon temps à me lamenter sur moi même. Ma plus grande thérapie a été l’écriture. J’écrivais beaucoup sur ma vie. Sur ce qui m’arrivait et me rendait malheureuse.
Puis, l’année de la première, j’ai rencontré trois garçons formidables qui m’ont fait reprendre confiance en moi. Je ne leur parlais pas de mon problème. Un seul était au courant. Il m’ont permis de croire à nouveau en l’amitié. Aujourd’hui, ce sont encore mes meilleurs amis. J’ai eu une chance incroyable de les rencontrer à ce moment là. L’été qui a suivi, en juillet 2004, je me suis fait opérer. Enfin. J’allais être débarrassée du fardeau. Reprendre le cours normal de ma vie. Devenir quelqu’un d’autre. J’avais longtemps redouté cette opération, mais quand elle est devenue inévitable, comme le corset, je ne me suis pas donné le choix. J’ai fait ce que les spécialistes me disaient de faire. Ce fut très douloureux, très fatiguant. Ma mère a été impressionnée par la rapidité à laquelle je me suis remise. Quatre jours après on me faisait remarcher. C’était d’ailleurs très difficile. Je me souviens vaguement… Je crois que le cerveau efface volontairement les mauvais souvenir de la mémoire. Je suis sorti neuf jours après l’opération.
Tout de suite après, j’ai repris mon sale caractère. Je l’ai bien vite reperdu depuis… Ce que je veux dire, c’est que d’un coup, je me suis senti plus forte. Ce qui ne tue pas rend plus fort, j’ai pu me rendre compte à quel point c’était vrai. Autour de moi, on ne me reconnaissait pas : je rayonnais. Je souriais. J’étais heureuse. Après la rentrée scolaire, je suis à nouveau retombée dans le pessimisme, le manque de confiance et tout ce qui va avec. Mais c’était désormais plus facile de tout supporter, car je n’avais plus aucun poids sur les épaules. J’ai repris confiance en moi au fur et à mesure que les années ont passé. Aujourd’hui, je me sens bien. A nouveau.
Pourtant je n’en suis toujours pas sortie indemne. Je pleure en regardant ce site. Je pleure en écrivant ceci. Cette semaine encore, mon entraîneur de natation, me voyant pour la première fois, me parle de ma « grande cicatrice dans le dos ». Normal, il veut savoir. Mais ça fait mal. Sans parler du fait que je ne peux pas porter de dos-nus et je prends toujours grand soin de prendre de long T-shirt qui couvrent le bas du dos, sinon quand je vais me baisser, mon T-shirt va se relever et on va encore me demander avec délicatesse ce que c’est que cette « immense cicatrice » dans mon dos. Je ne veux pas en parler. C’est une cicatrice physique et morale. Je crois d’ailleurs avoir entendu dire qu’avec la chirurgie esthétique, on pouvait effacer les cicatrices. Si cela existe, je le ferai dès que possible. Tout le monde ne comprends pas à quel point c’est une épreuve difficile. Mais on s’en sort, on se sort de tout. Mais on n’oublie jamais.