Un site, une association

Un espace d'échanges pour ne plus être seul avec sa scoliose

Par Jade
#88503
Je ne sais pas pourquoi je suis allée sur ce site, je ne sais pas non plus pourquoi j'écris. Je suis partagée entre le dégoût, la tristesse, et l'envie d'aider des jeunes filles qui ont vécu la même chose que moi. Le dégoût parce que la plus part de ce que je peux lire me répugne. Pardonnez moi si mes mots sont forts, mais en repensant à ce que j'ai vécu, je hais l'existence d'un tel site. Même si je sais qu'il a vocation à aider. Pour moi ce n’est pas une maladie, les spécialistes parlent d’« accident ».
La tristesse. Je n'y pense quasiment plus, à ces quatre années où j'ai dû porter un corset jour et nuit, de l'âge de 13 ans à l’âge de 17 ans. Pour me faire finalement opérer. Mais quand je vois ce site, j'éclate en sanglots. Ne suis-je donc pas sortie de tout cela? Non. J'ai 20 ans aujourd'hui. Je suis heureuse, tout va bien. ENFIN. Je me souviens qu'après chaque rendez-vous chez l'orthopédiste, je pleurais, j'avais vu des affiches d'enfants qui portaient une jambe mécanique. Je croyais qu'on allait m'enlever mon calvaire, mais ça devait durer encore. Je demandais à papa : pourquoi moi? Pourquoi les autres n'ont rien? Pourquoi je dois endurer ça? Quand est-ce que je serai libérée? Papa me répondait: on a toujours un jour où l'autre un malheur dans sa vie. Ce n'est qu'une mauvaise période. Ça va passer. Je me disais sans cesse: quand? Quand cela va-t-il s'arrêter? De l'injustice, de l'incompréhension. Voilà ce que l'on ressent quand ça nous arrive. C'est pire que tout quand on est adolescent. On veut se faire des amis, on veut séduire les garçons. Ce n'est pas possible. J'aimais m'habiller à la mode. Je ne pouvais pas, je ne portais que des pantalons stretch et des pulls trop larges pour moi. L’été de la canicule… Un enfer ! Je ne sortais pas de chez moi, parce que si je sortais, je sortais en pull en plein été. Pas de T-shirt moulants. Pas de décolletés. Ça peut paraître superficiel, mais ça compte tellement à cet âge là. J’étais devenue difforme. Je ne pouvais pas me baisser sans paraître « raide » et sans attirer l’attention. Je détestais que l'on me touche, des fois cela faisait du bruit et on me demandait alors ce que c’était. J'en avais honte. Je me disais que j'étais handicapée. C'est ce qu'il y avait écrit sur le magasin d'orthopédie. « Handicap Conseil ». A l'hôpital, je croisais aussi des enfants tordus dans des sièges spécialement conçus pour eux. Ça me rendait encore plus malade. Bien sûr que je souffrais, bien sûr qu'il y avait tellement de personnes plus à plaindre que moi! J'étais malheureuse pour eux, mais je ne pouvais pas m'arrêter de souffrir pour autant. Peu à peu, je me suis exclue des autres. Je croyais que je n’avais pas d’amis, alors que je me rejetais moi-même d’eux. J’étouffais dans ce corset. Mon fardeau. Je ne pouvais pas respirer, et moi qui suis de nature nerveuse, je respirais encore plus mal. Obligée de déserrer les sangles après un repas, tellement j’étouffais. La nuit, j’en rêvais. Je rêvais que je ne le portais pas, ça m’angoissait. Je suis somnambule, il m’est même plusieurs fois arrivé de l’enlever en pleine nuit sans m’en rendre compte. Le matin, je culpabilisais. Les jours exceptionnels où papa et maman m’autorisaient à l’enlever, Noël par exemple, j’angoissais aussi. J’avais mal au dos, plus de muscle pour me tenir. Je me sentais comme un escargot sans sa coquille. Je le portais. Je ne le supportais pas. Je savais que je n’avais pas le choix. Je ne me suis pas permis de prendre la décision. Evidemment, quand je suis entrée au lycée, c’est devenu encore plus difficile à supporter. Je voulais plaire aux garçons, je savais qu’aucun ne voudrait de moi tant qu’il aurait la chose. De temps en temps, juste pour aller en cours, je l’enlevais. J’essayais de ne pas le montrer à papa et maman. La dernière année, je l’ai fait assez souvent. Je le faisais parce que j’étais au lycée, je voulais un nouveau départ.
Autre chose fut très difficile aussi, c’est que maman avait vécu la même chose que moi. Ou presque. Elle a été dans un centre à Lacanau avec des déficients mentaux. Elle se demandait si elle n’était pas folle. Elle portait un plâtre. Elle a dû faire une partie de sa scolarité là-bas. Elle voyait ses parents une fois tous les quinze jours. Elle s’est faite opérer. Comme moi. Alors voilà, je m’en voulais. Je m’en voulais de lui faire vivre ça à nouveau. Elle souffrait d’autant plus pour moi qu’elle savait ce que c’était. Papa et maman ne savait pas quoi faire pour que j’aille mieux. Papa m’offrait tout ce que je voulais, même ce que je n’avais pas demandé. Il paraît que je suis même devenue capricieuse, sûrement à cause de ça…
C’est vrai que cela m’a beaucoup changée. J’ai perdu confiance en moi, je me suis exclue des autres. J’étais démotivée pour tout. Je passais mon temps à me lamenter sur moi même. Ma plus grande thérapie a été l’écriture. J’écrivais beaucoup sur ma vie. Sur ce qui m’arrivait et me rendait malheureuse.
Puis, l’année de la première, j’ai rencontré trois garçons formidables qui m’ont fait reprendre confiance en moi. Je ne leur parlais pas de mon problème. Un seul était au courant. Il m’ont permis de croire à nouveau en l’amitié. Aujourd’hui, ce sont encore mes meilleurs amis. J’ai eu une chance incroyable de les rencontrer à ce moment là. L’été qui a suivi, en juillet 2004, je me suis fait opérer. Enfin. J’allais être débarrassée du fardeau. Reprendre le cours normal de ma vie. Devenir quelqu’un d’autre. J’avais longtemps redouté cette opération, mais quand elle est devenue inévitable, comme le corset, je ne me suis pas donné le choix. J’ai fait ce que les spécialistes me disaient de faire. Ce fut très douloureux, très fatiguant. Ma mère a été impressionnée par la rapidité à laquelle je me suis remise. Quatre jours après on me faisait remarcher. C’était d’ailleurs très difficile. Je me souviens vaguement… Je crois que le cerveau efface volontairement les mauvais souvenir de la mémoire. Je suis sorti neuf jours après l’opération.
Tout de suite après, j’ai repris mon sale caractère. Je l’ai bien vite reperdu depuis… Ce que je veux dire, c’est que d’un coup, je me suis senti plus forte. Ce qui ne tue pas rend plus fort, j’ai pu me rendre compte à quel point c’était vrai. Autour de moi, on ne me reconnaissait pas : je rayonnais. Je souriais. J’étais heureuse. Après la rentrée scolaire, je suis à nouveau retombée dans le pessimisme, le manque de confiance et tout ce qui va avec. Mais c’était désormais plus facile de tout supporter, car je n’avais plus aucun poids sur les épaules. J’ai repris confiance en moi au fur et à mesure que les années ont passé. Aujourd’hui, je me sens bien. A nouveau.
Pourtant je n’en suis toujours pas sortie indemne. Je pleure en regardant ce site. Je pleure en écrivant ceci. Cette semaine encore, mon entraîneur de natation, me voyant pour la première fois, me parle de ma « grande cicatrice dans le dos ». Normal, il veut savoir. Mais ça fait mal. Sans parler du fait que je ne peux pas porter de dos-nus et je prends toujours grand soin de prendre de long T-shirt qui couvrent le bas du dos, sinon quand je vais me baisser, mon T-shirt va se relever et on va encore me demander avec délicatesse ce que c’est que cette « immense cicatrice » dans mon dos. Je ne veux pas en parler. C’est une cicatrice physique et morale. Je crois d’ailleurs avoir entendu dire qu’avec la chirurgie esthétique, on pouvait effacer les cicatrices. Si cela existe, je le ferai dès que possible. Tout le monde ne comprends pas à quel point c’est une épreuve difficile. Mais on s’en sort, on se sort de tout. Mais on n’oublie jamais.
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Par Biba
#88505
Bonjour Jade, j'hésites beaucoup à te souhaiter la bienvenue sur ce site .. je lis par contre ta peine et ta douleur .. Courage à toi ..
Bib'bisous :bisous


PS : comme tu as déjà 20 ans, ton histoire a été transférée chez les adultes comme indiqué par MP (message privé)
Par elize
#88509
:boxe wouf je viens de lire attentivement ton texte,ton vecu ton histoire ..au debut je me suis dit NON on ne peux pas te laisser dire que tu es degoutée par ce site..mais au final tu es surtout dégoutée par la Scoliose et tout ton vecu ...je dirai meme que c'est dommage que tu n'ai pas connu un tel site a l'epoque.....oserais je dire que maintenant que tu nous a trouvé tu vas pouvoir deposer ton fardeau et partager ..car ce que tu ecris ...ben on l'a vecu plus ou moins avec beaucoup de ressemblances....tes 1eres lignes me dégoutent ..car tu ne nous connais pas du tout ,je ne demande qu'une chose c'est que tu apprennes a nous connaitre rapidement et tu pourras retirrer ces 1eres lignes,je te fais confiance pour ça :bisous
ce site est bel et bien un soutiens pour nous tous ..que ce soit pour les parents de tres jeunes enfants,les ados ,et les adultes qui ont leur fardeau a deposer.on est là pour aider orienter et soutenir et partager ,en meme temps ,on n'est pas qu'un" forum"mais une association qui se bat a tout les niveaux :medicale ,scolaire et politique et c'est une poignée de main de volontaires ayant vecu et vivant la Scoliose qui sont a la base de ce site...donc tu es la bienvenue pour nous aider a aller de l'avant et partager cette foutu maladie qu'est la scoliose ,tu n'es pas seule!!!!désormé et si tu peux viens faire partager ta mere je suis sure qu'elle aussi finira par trouver de l'aide :biz
Par Jade
#88511
Je ne peux pas retirer le premier sentiment que j'ai eu, je suis désolée. Ce n'est pas des personnes qui parlent sur ce sites sont je suis dégoûtée. c'est bien de leur vécu, je repense à cette injustice qu'est la scoliose, comme bien d'autres choses dans la vie malheureusement. Mais je ne peux parler que de ça, c'est le seul malheur que j'ai vécu. Je me rends bien compte, grâce à ce site, qu'encore une fois, je ne suis pas à plaindre. C'est terrible ce que certaines personnes ont vécu...
Comment expliquer ce que je voulais dire? J'ai entendu parler du site dans un magazine. J'ai pensé qu'effectivement, à l'époque j'aurais peut être eu besoin d'en parler. Je suis en fait venue sur le site dans le but d'encourager les personnes qui sont en train de vivre ce que j'ai vécu. Je suis consciente que mon message n'a pas été tout ce qu'il y a de plus optimiste. Tout ce que je voulais dire, c'est que ça marque à tout jamais, mais comme disait mon père, ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Je m'excuse d'avoir paru agréssive, ou négative. Ce n'est pas l'image que je voulais donner de moi. Je voulais juste que vous sachiez que j'ai bien conscience de la peine des autres, j'ai également conscience d'avoir eu beaucoup de chance dans mon malheur, par rapport à d'autres. Merci pour le soutien que vous pouvez apporter aux personnes qui en ont besoin.
Par elize
#88512
mais et toi tu ne penses pas que tu as besoin de soutien ou de partager???
Par titanne
#88513
Bonjour Jade,

comme toi, j'ai eu un corset à mettre pendant toute mon adolescence, dès l'âge de onze ans. Tes mots pourraient être les miens : la certitude de devenir difforme à cause de ce corset, d'être handicapée, les pulls l'été (avec une chemise en-dessous s'il vous plait !).

Au début, quand je venais sur le site, j'avais constamment mal au dos.

Et puis ça passe, et puis tu parles et pour la première fois de ta vie, il y a des gens qui répondent et qui comprennent. Enfin.

J'espère que ce site t'apportera autant de réconfort qu'à moi. J'ai été opérée à 17 ans et je m'en suis trouvée beaucoup plus forte, moralement et "scoliotiquement". Je vais beaucoup à la piscine mais je porte des maillots qui cachent cette cicatrice qui occupe tout mon dos.
Ceci dit, je n'en ai plus besoin : ma cicatrice ne me gène plus, c'est presque le contraire. Peut-être parce que quelqu'un qui m'aime m'a aidée à l'accepter.

Je t'en souhaite tout autant. Tu as vécu des épreuves, et tu les as dépassées. Maintenant, profite de la vie, de ton dos "réparé", et du fait d'être parmi nous aussi ! Tu n'es pas handicapée, et tu as 20 ans. Tu es donc chanceuse.
:bisous1 :bisous1 :bisous1
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Par marietout
#88520
Bonjour Jade,
En cliquant sur ce lien http://www.scoliose.org/forum/viewtopic.php?t=2527 tu trouveras un message de bienvenue destiné à tous les nouveaux arrivants sur le site.
Après avoir lu ton message, j'avoue que je suis scotchée!
Partagée devant tant d'émotions si difficiles...
Bonne journée et à bientôt. :bisous1 :chance
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Par Fanette
#88523
Bonjour Jade,
Je crois que tu as fait ce que tu devais faire en venant sur ce forum. Ouvrir ton carton de souvenirs, y écrire tes souffrances, pleurer. Nous l'avons tous fait, et je sais que ce n'est pas facile. Mais, il faut mettre un jour ses souffrances sur "papier" pour pouvoir les évacuer.
Maintenant, Jade, il faut se tourner vers l'avenir. Une page s'est tournée. Pourquoi oublier le passé, puisqu'il fait partie de nous ? L'accepter, tel qu'il est. Tu l'as dit, nous avons une cicatrice physique et morale. Même si nous l'enlevons de notre dos, elle reste dans notre tête. Il suffit juste de l'accepter.
Courage Jade :bisous
Par Jade
#88530
Partager, c’est ce que je viens de faire il me semble. Peut être aurais-je eu besoin de soutien à l’époque, bien que j’en ai évidemment reçu de mes parents. Aujourd’hui, je pense que je dois tirer un trait, j’ai la chance que ce soit terminé et je pense avoir fait une erreur en venant sur le site, ça a juste re-ouvert des blessures. Comme vous le dîtes vous même on ne réagit pas tous de la même manière. Je me sens très bizarre de parler de ça maintenant, et avec vous. Ce que vous faites est une très bonne chose pour beaucoup de personnes, mais c’est terminé pour moi maintenant, et j’admire votre optimisme et l’entreprise de créer cette association (d’autant plus que chacun d’entre vous à une histoire tellement plus bouleversante que la mienne), car je ne me sens pas suffisamment forte pour en parler. Quand j’ai vu a quel point j’étais bouleversée de lire des témoignages, j’ai pensé qu’écrire ici me ferait du bien à moi aussi. Ce n’était pas une bonne chose, veuillez m’en excusez. J’ai juste besoin d’oublier. Ou de faire semblant. Au moins j’ai pu constater à quel point je n’étais pas seule, même si c’est un peu tard pour moi. Aujourd’hui je vais bien. Encore bravo pour votre soutien.
Par elize
#88532
:bisous t'inquiete Jade ,je te comprend trop bien,mais sache que le temps fera son travail pour toi aussi ,ce n'est pas par hazard que tu as eut besoin d'ecrire :biz mais au fait tu sais on ne fais pas que pleurer sur notre sort au contraire ..on se comprend et du coup ben quand on se retrouve reelemen t lors de rencontre ...ben on s'eclate :fete
:chance et a tres bientot j'espere
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Par chris
#88534
Bonjour Jade
On sent encore tant de tristesse et de regret dans tes mots, je pense que pour toi mentalement tout n'est pas encore fini, et en parler peut t'aider à cicatriser tout ça; nos vécus certes ont souvent été lourds mais comme tu le dis toi meme tout ce qui ne tue pas rend plus fort,
Si tu veux parler ici tu seras toujours la bienvenue et parfois aider les autres peut aider à affronter ses douleurs psychologique :bisous1

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