- mar. janv. 28, 2025 3:13 pm
#353808
Bonjour,
J’écris ce texte avec l’accord de Maelle. Elle vient de temps à autre lire le forum, et je ne voulais pas qu’elle tombe sur son histoire sans en avoir été informée.
Accrochez-vous, ça va être un peu long...
Maelle est une toute jeune fille de 11 ans, joyeuse, curieuse, avec beaucoup d’humour et de maturité. Elle manque toutefois souvent de confiance en elle, ce qui peut donner lieu à des moments de découragement et de chagrin.
Depuis toute petite, Maelle est surveillée par son papa, qui a porté un corset pour une scoliose, de 13 à 16 ans, dans les années 80. Mais c’est à l’occasion d’une séance d’ostéopathie en juin 2024 (pour des douleurs de croissance) que la praticienne nous signale une asymétrie des omoplates. Deux mois plus tôt, lors de la surveillance effectuée par son papa, rien n’était visible, mais effectivement, nous distinguons bien la différence en cette fin juin. Née fin septembre, elle est alors à deux mois de ses 11 ans, et nous avions constaté une forte poussée de croissance depuis environ six mois.
Notre généraliste prescrit un EOS, passé courant juillet, qui révèle une scoliose thoracico-lombaire T5-L2 à 28° et une bascule du bassin de 2 mm à droite, Risser à 0. Nous recevons ces résultats par email sans avoir rencontré de radiologue, seulement une manipulatrice, fort gentille au demeurant, mais qui, bien entendu, n’a pas posé de diagnostic — ce n’est pas son rôle.
Je trouve l’annonce (ou plutôt l’absence d’annonce) un peu rude. Cependant, nous savions à quoi nous attendre, donc on encaisse, avec tout de même quelques nuits écourtées dans les semaines qui suivront.
Retour chez la généraliste, qui prescrit des séances de kiné et rédige un courrier pour un spécialiste. Elle nous dirige vers l’hôpital Femme Mère Enfant de Bron (près de Lyon). Nous obtenons un rendez-vous pour début octobre. Dans l’intervalle, Maelle commence ses séances de kiné. Si celles-ci sont compliquées au départ, Maelle finit par prendre plaisir à voir son kiné. L’ambiance du cabinet est excellente, et il s’occupe très bien de ses patients.
Pour compliquer un peu plus les choses, c’est la rentrée en 6e. Un grand changement, beaucoup de fatigue, et des relations qui évoluent avec ses copains. À ce moment-là, Maelle n’a que des amis garçons depuis le primaire, mais ils découvrent des activités sportives au collège, ce qui empiète sur leur temps d’amitié. Pas du tout sportive (mais plutôt portée sur la poterie), Maelle le vit mal.
Le 7 octobre, lors du rendez-vous à l’hôpital, le chirurgien annonce d’emblée que ce sera corset, 16 heures par jour. C’est un choc pour Maelle, qui avait bien compris qu’elle devrait en porter un, mais pensait que le spécialiste temporiserait un peu. Elle dit tout de même : « Bon, ce n’est pas grave, je ne vais pas mourir. » Lors de ce rendez-vous, je signale une fossette sacrée présente depuis la naissance, qui avait été présentée comme bénigne. Fort heureusement, après IRM, aucune anomalie type spina-bifida ou maladie d’Arnold-Chiari n’est détectée.
Elle reçoit son corset le 31 octobre, et c’est un nouveau choc. Elle pleure beaucoup et se renferme sur elle-même.
Les premières nuits sont terribles. Elle hurle, se révolte, mais elle porte le corset. Nous la laissons exprimer sa colère et son sentiment d’injustice. Nous l’accompagnons et aménageons au mieux son quotidien : on rembourre son matelas, on pose des pansements à motifs sympas sur les parties du corset qui grincent avec le frottement des sangles, elle le décore, griffonne dessus, colle des autocollants dragon (pour qu’il paraisse plus méchant), elle l’apprivoise. Elle ne le met ni ne l’enlève encore seule, alors les jours où il y a sport, elle le laisse à la maison.
C’est une sale période : les ennuis de santé s’accumulent. Un panaris oblige à un traitement du pied deux fois par jour. À l’occasion d’un contrôle ophtalmologique, on lui trouve une éraflure sur la cornée, qu’il faut également traiter trois fois par jour, avec une surveillance tous les trois mois. Le panaris est aujourd’hui résorbé, mais le traitement de l’œil est encore en cours.
Maelle surmonte tout cela comme une championne, et sa joie de vivre revient. Elle me dit un matin : « Je me suis retrouvée, je suis à nouveau moi. » Et c’est vrai, je n’aurais pas dit mieux. Je lui ai montré le forum, elle a lu beaucoup de témoignages. Elle est contente de ne pas avoir à porter son corset 22 heures par jour, comme la plupart des ados, ce qui l’aide à relativiser, tout en restant consciente qu’à un moment, elle devra peut-être aussi en arriver là.
Un mois plus tard, contrôle du corset à l’hôpital. Le suivi est très sérieux : EOS dans le corset, kiné, appareilleur et chirurgien. Les nouvelles sont encourageantes : le corset corrige très bien la scoliose, le bilan kiné est bon, le corset est adapté. L’image de l’EOS avec la colonne droite dans le corset fait beaucoup de bien à Maelle. Elle sait désormais le mettre et l’enlever seule.
Pour couronner cette rentrée et cette fin d’année 2024, elle attrape le COVID pour Noël, qu’elle passe au fond d’un lit, pendant que sa cousine berlinoise, qu’elle voit peu et avec laquelle elle s’entend bien, est alitée dans la chambre voisine avec une angine… Décidément, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas !
Aujourd’hui, Maelle porte son corset environ 17 heures par jour. Il y a bien entendu des moments moins faciles, comme la nuit dernière où il la gênait. Nous avons dû l’enlever et le remettre plusieurs fois pour trouver un réglage confortable mais juste. Elle le porte au collège même quand elle a sport. L’accueil dans la classe et les vestiaires a été très bienveillant, ce qui est un soulagement. Ses copains ne font aucun cas de son corset, et c’est très bien comme ça. Nous essayons d’alléger son quotidien : nous avons acheté un double des manuels, j’ai arraché la moitié des pages de ses cahiers de 96 pages (96 ! Ils sont fous, ces profs…), et acheté en double le matériel tel que les feuilles de dessin, la gouache, etc. Elle est demi-pensionnaire et dispose d’un casier pour stocker tout cela.
Le prochain rendez-vous à l’hôpital est fixé au 24 février. Il n’y aura pas d’EOS, uniquement l’appareilleur et le chirurgien. Maelle a encore grandi, et je pense que les réglages du corset sont moins adaptés : ce sera l’occasion de les revoir. Elle poursuit sa vie de jeune ado, va aux soirées du club ados le vendredi soir, lit beaucoup et aime le calme de sa chambre. Elle est toujours l’excellente élève qu’elle était au primaire. Nous aurions compris qu’elle ait un coup de mou, mais non. Elle est désormais notre guerrière en armure, et pour Noël, sa marraine lui a offert un blason : un phénix, un lion et une créature féline imaginaire très élégante. Elle a déjà décidé que le prochain corset sera blanc et uni, et qu’elle le décorera elle-même.
Nos enfants possèdent une résilience ahurissante.
Merci de nous avoir lues :)
J’écris ce texte avec l’accord de Maelle. Elle vient de temps à autre lire le forum, et je ne voulais pas qu’elle tombe sur son histoire sans en avoir été informée.
Accrochez-vous, ça va être un peu long...
Maelle est une toute jeune fille de 11 ans, joyeuse, curieuse, avec beaucoup d’humour et de maturité. Elle manque toutefois souvent de confiance en elle, ce qui peut donner lieu à des moments de découragement et de chagrin.
Depuis toute petite, Maelle est surveillée par son papa, qui a porté un corset pour une scoliose, de 13 à 16 ans, dans les années 80. Mais c’est à l’occasion d’une séance d’ostéopathie en juin 2024 (pour des douleurs de croissance) que la praticienne nous signale une asymétrie des omoplates. Deux mois plus tôt, lors de la surveillance effectuée par son papa, rien n’était visible, mais effectivement, nous distinguons bien la différence en cette fin juin. Née fin septembre, elle est alors à deux mois de ses 11 ans, et nous avions constaté une forte poussée de croissance depuis environ six mois.
Notre généraliste prescrit un EOS, passé courant juillet, qui révèle une scoliose thoracico-lombaire T5-L2 à 28° et une bascule du bassin de 2 mm à droite, Risser à 0. Nous recevons ces résultats par email sans avoir rencontré de radiologue, seulement une manipulatrice, fort gentille au demeurant, mais qui, bien entendu, n’a pas posé de diagnostic — ce n’est pas son rôle.
Je trouve l’annonce (ou plutôt l’absence d’annonce) un peu rude. Cependant, nous savions à quoi nous attendre, donc on encaisse, avec tout de même quelques nuits écourtées dans les semaines qui suivront.
Retour chez la généraliste, qui prescrit des séances de kiné et rédige un courrier pour un spécialiste. Elle nous dirige vers l’hôpital Femme Mère Enfant de Bron (près de Lyon). Nous obtenons un rendez-vous pour début octobre. Dans l’intervalle, Maelle commence ses séances de kiné. Si celles-ci sont compliquées au départ, Maelle finit par prendre plaisir à voir son kiné. L’ambiance du cabinet est excellente, et il s’occupe très bien de ses patients.
Pour compliquer un peu plus les choses, c’est la rentrée en 6e. Un grand changement, beaucoup de fatigue, et des relations qui évoluent avec ses copains. À ce moment-là, Maelle n’a que des amis garçons depuis le primaire, mais ils découvrent des activités sportives au collège, ce qui empiète sur leur temps d’amitié. Pas du tout sportive (mais plutôt portée sur la poterie), Maelle le vit mal.
Le 7 octobre, lors du rendez-vous à l’hôpital, le chirurgien annonce d’emblée que ce sera corset, 16 heures par jour. C’est un choc pour Maelle, qui avait bien compris qu’elle devrait en porter un, mais pensait que le spécialiste temporiserait un peu. Elle dit tout de même : « Bon, ce n’est pas grave, je ne vais pas mourir. » Lors de ce rendez-vous, je signale une fossette sacrée présente depuis la naissance, qui avait été présentée comme bénigne. Fort heureusement, après IRM, aucune anomalie type spina-bifida ou maladie d’Arnold-Chiari n’est détectée.
Elle reçoit son corset le 31 octobre, et c’est un nouveau choc. Elle pleure beaucoup et se renferme sur elle-même.
Les premières nuits sont terribles. Elle hurle, se révolte, mais elle porte le corset. Nous la laissons exprimer sa colère et son sentiment d’injustice. Nous l’accompagnons et aménageons au mieux son quotidien : on rembourre son matelas, on pose des pansements à motifs sympas sur les parties du corset qui grincent avec le frottement des sangles, elle le décore, griffonne dessus, colle des autocollants dragon (pour qu’il paraisse plus méchant), elle l’apprivoise. Elle ne le met ni ne l’enlève encore seule, alors les jours où il y a sport, elle le laisse à la maison.
C’est une sale période : les ennuis de santé s’accumulent. Un panaris oblige à un traitement du pied deux fois par jour. À l’occasion d’un contrôle ophtalmologique, on lui trouve une éraflure sur la cornée, qu’il faut également traiter trois fois par jour, avec une surveillance tous les trois mois. Le panaris est aujourd’hui résorbé, mais le traitement de l’œil est encore en cours.
Maelle surmonte tout cela comme une championne, et sa joie de vivre revient. Elle me dit un matin : « Je me suis retrouvée, je suis à nouveau moi. » Et c’est vrai, je n’aurais pas dit mieux. Je lui ai montré le forum, elle a lu beaucoup de témoignages. Elle est contente de ne pas avoir à porter son corset 22 heures par jour, comme la plupart des ados, ce qui l’aide à relativiser, tout en restant consciente qu’à un moment, elle devra peut-être aussi en arriver là.
Un mois plus tard, contrôle du corset à l’hôpital. Le suivi est très sérieux : EOS dans le corset, kiné, appareilleur et chirurgien. Les nouvelles sont encourageantes : le corset corrige très bien la scoliose, le bilan kiné est bon, le corset est adapté. L’image de l’EOS avec la colonne droite dans le corset fait beaucoup de bien à Maelle. Elle sait désormais le mettre et l’enlever seule.
Pour couronner cette rentrée et cette fin d’année 2024, elle attrape le COVID pour Noël, qu’elle passe au fond d’un lit, pendant que sa cousine berlinoise, qu’elle voit peu et avec laquelle elle s’entend bien, est alitée dans la chambre voisine avec une angine… Décidément, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas !
Aujourd’hui, Maelle porte son corset environ 17 heures par jour. Il y a bien entendu des moments moins faciles, comme la nuit dernière où il la gênait. Nous avons dû l’enlever et le remettre plusieurs fois pour trouver un réglage confortable mais juste. Elle le porte au collège même quand elle a sport. L’accueil dans la classe et les vestiaires a été très bienveillant, ce qui est un soulagement. Ses copains ne font aucun cas de son corset, et c’est très bien comme ça. Nous essayons d’alléger son quotidien : nous avons acheté un double des manuels, j’ai arraché la moitié des pages de ses cahiers de 96 pages (96 ! Ils sont fous, ces profs…), et acheté en double le matériel tel que les feuilles de dessin, la gouache, etc. Elle est demi-pensionnaire et dispose d’un casier pour stocker tout cela.
Le prochain rendez-vous à l’hôpital est fixé au 24 février. Il n’y aura pas d’EOS, uniquement l’appareilleur et le chirurgien. Maelle a encore grandi, et je pense que les réglages du corset sont moins adaptés : ce sera l’occasion de les revoir. Elle poursuit sa vie de jeune ado, va aux soirées du club ados le vendredi soir, lit beaucoup et aime le calme de sa chambre. Elle est toujours l’excellente élève qu’elle était au primaire. Nous aurions compris qu’elle ait un coup de mou, mais non. Elle est désormais notre guerrière en armure, et pour Noël, sa marraine lui a offert un blason : un phénix, un lion et une créature féline imaginaire très élégante. Elle a déjà décidé que le prochain corset sera blanc et uni, et qu’elle le décorera elle-même.
Nos enfants possèdent une résilience ahurissante.
Merci de nous avoir lues :)