- jeu. juin 16, 2011 11:24 pm
#206201
Bonsoir,
Toi qui passe par ici de temps à autre pour lire, partager et prendre des nouvelles, sais-tu qu'aujourd'hui a encore été une drôle de journée ? "Une journée comme les autres", à l'allure de celles qui avaient été racontées dans la revue Zig Zag, il y a de cela quelques mois. Une journée à l'hôpital entre patience, radio et attente. Une de ces journées que l'on redoutait auparavant, à se demander combien de temps allait nous laisser le docteur. Sans corset, en liberté, avec uniquement le soleil pour marbrer la peau.
Sais-tu également, à y regarder de plus prêt, que ça y est cela fait quatre ans que Thomas a commencé son long chemin d'enfant atteint de scoliose.
Le réveil de ce matin était sûrement différent des autres depuis six mois déjà pour Thomas. Avec cette peur de voir la belle aventure éprise de liberté se refermer d'un coup brusque, d'un seul comme il y a 4 ans. Cette drôle de peur que l'on partage avec les gens d'ici. Que l'on habille de belles phrases ou de beaux textes pour se donner du courage ou de la fierté mais qui revient toujours au galop lorsque les masques tombent. A l'heure du verdict.
La belle Justine avait bien donné du courage à Thomas avant qu'il ne parte à l'école ce matin, lui disant que tout irait bien. Lui avait feint de ne pas entendre mais l'avait sûrement mis dans sa poche, près de son coeur de grand frère inflexible. Tout comme Justine l'avait fait début Juin avant son opération dans le couloir du bloc opératoire en cherchant Thomas, le coeur et l'esprit déjà entre deux eaux. L'échange de cette affection avait sûrement donné une saveur particulière, une force différente à cette journée à part.
Chaque jour qui passe est d'ailleurs un petit retour vers la santé pour Justine. Elle va de mieux en mieux, travaille à la maison avec sa maîtresse, profite de ses journées pour faire de longues ballades à pied avec Papa ou Maman au gré de ses humeurs. A l'allure des escargots, doucement, lorsque l'on voudrait tutoyer les papillons. Elle repassera Lundi échographie et doppler et en saura sûrement plus sur l'évolution de ses maux. Ce sera avec Maman car Papa travaillera et il a déjà accompagné Thomas aujourd'hui.
Thomas a donc passé aujourd'hui sa radio, 6 mois après. Le rituel reste le même : l'attente, la radio, l'enveloppe que l'on ose pas ouvrir et puis à nouveau l'attente dans le couloir pour le rendez-vous. Le moment privilégié pour Papa car l'un des derniers ou le doute pousse Thomas à se serrer contre son père à la recherche d'un câlin réconfortant.
Le fameux grand Docteur est donc revenu, a pénétré dans la pièce et a serré la main de Thomas comme avant. Il lui a demandé comment il allait, a regardé la radio et a mesuré... 15 degrés en même temps qu'il notait une petite gibbosité. Thomas n'a pas relevé, tout appliqué à rester le plus sage possible, toujours aussi inquiet qu'au début face à ce grand Monsieur. Papa a relevé et chaviré un peu. Ainsi, Dame Scoliose est revenue, profitant du temps qui passe pour reprendre un peu ses aises et venir nous pourrir à nouveau la vie et le sommeil.
Le docteur a tempéré expliquant que cela n'était pas encore grave et ne nécessitait pas de corset, pour l'instant. Que l'on savait bien qu'elle repointerait un jour le bout de son nez. Que la surveillance servait à cela, veiller plutôt que laisser aller. Nous sommes donc repartis sans prescription de corset mais inquiet tout de même. Il faut également ne pas reprendre de poids d'ici le prochain rendez-vous et faire du sport.
Thomas a versé une larme dans l'ascenseur. Tu sais, pas une larme de chagrin ou de douleur. Plutôt une petite larme amère de dépit, de cette impression que l'on aura jamais la paix que l'on mérite. Je connais ce sentiment. Il m'a dit : "Papa, je ne veux pas porter de corset à nouveau, ce serait injuste". Je le sais Thomas, je le sais plus que quiconque tout cela.
Il a fallu prendre un peu de temps, réexpliquer comme il y a si longtemps. Que les choses évoluent parfois à l'inverse de ce que l'on espère. Mais que rien n'est perdu, que l'on restera vigilants pour la suite. D'ici là, Carpe Diem Thomas et confiance.
La soirée a été un peu moyenne pour Thomas. Il a maintenant une analyse plus fine, de garçon qui grandit. Alors, forcément, il pense à plein de choses. Il y a certainement quelques fantômes qui sont revenus dans ses rêves. Nous aussi, c'est cela la solidarité. Un peu plus loin, au-delà de la solidarité, il y a d'autres choses encore : le courage, l'amour, la confiance. Toutes ces armes qui font passer à travers les maux de la vie comme l'on enfoncerait une porte barrant notre liberté.
Pour ma part, je crois que tout cela m'accompagne depuis bien longtemps, alors je n'ai plus vraiment de peurs. J'ai plus de maturité qu'avant, sûrement et du courage à revendre. Et tout cela, je le dois à mes enfants et leur parcours comme celui des autres enfants d'ici. Alors je resterais là quoi qu'il en coûte, les pieds ancrés dans le sol. Solidement, et mes enfants avec...
A chaque instant qui passe, son courage. A chaque jour son effort. A chaque mal, son remède. Doucement...
Meilleures pensées,
Franck