- ven. déc. 21, 2012 5:12 pm
#247542
Bonjour,
Quelquefois, tout va bien et le temps s’écoule doucement. Et puis, parfois, la vie nous rattrape et se rappelle à nous. Aujourd’hui, il m’a fallu un peu de temps pour regrouper mes mots et les placer ici. Au risque d’être traité de trop sensible, il est des souvenirs, des lieux, des mots qui me sont à éviter pour ne pas voir ressurgir de sombres fantômes d’hier, de ceux que l’on imagine cachés pour toujours mais qui ressurgissent au gré des maux.
Autant se livrer de but en blanc, le grand-père maternel de Thomas a appris aujourd’hui qu’il avait un cancer. L’un de ceux, cependant, qui se soignent d’après le spécialiste. Je connais bien assez la franchise et la rigueur de ces derniers pour confirmer, comme je l’ai fait à ma belle famille, que les paroles des spécialistes sont à prendre en considération.
Cette triste nouvelle, par-delà les « simples » considérations médicales m’amène à d’autres sentiments. Depuis bien longtemps, en effet, le grand-père de Thomas est atteint d’une maladie génétique liée à l’atteinte des nerfs périphériques reliant la moelle épinière aux muscles, perturbant la conduction de l’influx nerveux. Elle entraîne des troubles de la marche et une déformation des pieds. Pour lui, chaque pas est un exploit, chaque mouvement un effort. Les jours qui passent n’arrangent rien et sa maladie est incurable comme beaucoup de myopathies. C’est d’ailleurs l’une de celles dont nous parle le Téléthon chaque année. Les enfants ont d’ailleurs entendu parler de sa maladie cette année lors de l’émission et ils n’étaient pas peu fiers de leur grand-père, de son courage, de sa joie de vivre au-delà de la maladie.
La maladie, quelle qu’elle soit, est une injustice, une atteinte au bonheur auquel tous les hommes aspirent de leur premier à leur dernier jour sur Terre. Il arrive souvent aux enfants d’en parler avec nous, de trouver le handicap de leur Pépé injuste. A force de mots, nous arrivons souvent à leur faire entendre raison et concéder, à défaut de l’accepter, que Dame Nature impose parfois les choses, sans laisser d’autres possibilités aux gens. Ils savent aussi, leur cas personnel les y a aidés, que chacun n’est pas toujours égal devant la maladie. Et par-dessus tout que rien n’empêche les hommes de mener la destinée qu’ils se sont donnés de vivre. L’entrain, le courage et la persévérance sont les traitements les plus efficaces du monde. D’ailleurs, il me semble ne l’avoir jamais entendu une seule fois se plaindre de sa condition depuis que je le connais.
Un jour, lors d’une consultation pour Justine, une anesthésiste totalement dépourvue d’intelligence et de tact nous avait informés sans ménagement, après nous avoir questionnés sur les antécédents de la famille, que la scoliose de Thomas pouvait être un signe de cette maladie. Valérie est repartie de cette consultation en émoi, moi en colère comme jamais après cette dame.
Se peut-il, à vrai dire, que Thomas et ses soucis de santé aient un quelconque lien avec cette maladie ? La question nous a poursuivi longtemps, elle nous poursuit d’ailleurs encore parfois de temps à autre. Nous aurions pu prendre notre gamin, lui faire passer mille examens épuisants qui n’auraient fait que rajouter à notre émoi, nous bousculer encore plus. Nous ne l’avons pas fait et je m’en félicite. Nous n’en saurons pour l’instant pas plus. Si tant est que cette maladie passe un jour dans le sang de nos enfants, notre volonté, notre courage et notre colère n’y feront rien.
Tout cela touche à la transmission de choses que les hommes ne contrôlent pas, à la nature. A ce que la vie nous donne, à notre « patrimoine génétique ». On entend souvent que demain, nous pourrons contrôler, avant leur naissance, la santé et les maux de nos enfants. Les choisir en quelque sorte. Pour ou contre, le débat risque d’être tendu le jour où il arrivera sur le devant de la scène. Moi-même, je ne saurais prendre position ferme et définitive dans cette discussion.
En fait, je ne suis pour ma part sûr que d’une chose. J’ai mon avis, mes certitudes sur la question. Je suis sûr aujourd’hui que son Pépé a transmis à Thomas quelque chose. Je sais par exemple, que les soirs d’Eté, il leur arrive de regarder l’un près de l’autre le ciel étoilé et de partager le nom des étoiles, des galaxies, de se demander s’il y a quelque chose d’autre tout là-haut dans le ciel. Je sais que Thomas a montré en son temps ses corsets à son Pépé, que ce dernier l’a soutenu fort dans son traitement, persuadé que Thomas y arriverait coûte que coûte. Je sais aussi que mon fils ne rate jamais une occasion d’aller dormir chez ses grands-parents même si son Pépé a du mal à se déplacer et ne pourrait pas l’emmener bien loin. Peut-être même que, finalement, en partageant un documentaire à la télé, une émission, un jeu ou des blagues entre eux, un simple moment de complicité, ils voyagent bien plus loin que n’iront voir nos yeux ou que nos esprits ne sauront imaginer. Il m’arrive souvent de les regarder, un peu troublé, partager cette complicité différente de la nôtre dans nos habits de parents. Une entente presque bienveillante, à part dont Thomas est riche...
Je sais aussi qu’il arrivera à surmonter l’épreuve et qu’il continuera sa route. Je ne saurais exprimer pourquoi, je le ressens et j’en suis persuadé. Je ne peux l’expliquer, que le dire. J’en suis sûr, simplement...
Franck