- mar. juil. 22, 2008 10:59 am
#115806
Bonjour,
Petite Justine se réveille doucement à l'heure qu'il est. Après l'anesthésie générale de ce matin, l'endoscopie est terminée. Ses varices à l'oesophage n'ont pas bougé, elles restent stables. Elle rentre doucement du pays des songes. Gageons que ses rêves l'ont probablement emmené dans des pays merveilleux, peuplés d'enfants souriants qu'ils soient malades ou bien portants. Un monde où quoi qu'il arrive, chacun s'en sort toujours à bon compte un jour ou l'autre à force de courage et de volonté.
Il va revenir, le temps de la mer. Les baignades, le soleil et l'insouciance. Les promenades sur la jetée avec Thomas et toute la famille, les manèges, les glaces. Sans corset pour douze heures et plus paisible pour l'instant... comme avant. On apprend de la vie. Aussi bas que l'on tombe, autant que l'on souffre physiquement ou dans le coeur, il y a toujours un retour à la paix. Au point de départ. La promesse d'avant corset sera bel et bien tenue, les choses resteront à leur place. On rechargera le moteur et l'on repartira. Tout reviendra bien assez vite : l'angoisse d'avant examens, les examens, l'inquiétude des attentes d'après, le corset en Septembre à 20 heures. L'été a chassé le nuage noir, mais il reste là au-dessus de nos têtes, prêt à fondre à nouveau sur nos têtes. Mais plus tard...
Sur un mur de mon bureau, figure un texte. Un crédo, presque un serment. Il me redonne la foi quelquefois et le courage toujours. Il convient à chacun de nous, de vous ici. Parfois, les gens qui le lisent ne comprennent pas. Oui, ils ne comprennent pas, c'est normal. Il sauront plus tard...
ELOGE DE LA FATIGUE
Vous me dites, Monsieur, que j’ai mauvaise mine
Qu’avec cette vie que je mène, je me ruine.
Que l’on ne gagne rien à trop se prodiguer,
Vous me dites, enfin, que je suis fatigué.
Oui, je suis fatigué, Monsieur, mais je m’en flatte,
J’ai tout de fatigué : le cœur, la voix, la rate.
Je m’endors épuisé, je me réveille las,
Mais grâce à Dieu, je ne m’en soucie pas.
Et quand je m’en soucie, je me ridiculise,
La fatigue, souvent, n’est qu’une vantardise.
On est jamais aussi fatigué qu’on le croit,
Et quand cela serait, n’en a-t-on pas le droit ?
Je ne vous parle pas des tristes lassitudes,
Qu’on a, lorsque le corps harassé d’habitudes,
N’a plu pour se mouvoir que de pâles raisons.
Lorsque l’on fait de soi son unique horizon.
Lorsqu’on a rien à perdre, à vaincre ou à défendre.
Cette fatigue là est mauvaise à entendre.
Elle fait l’œil morne, le front lourd, le dos rond,
Et nous donne l’aspect d’un vivant moribond.
Mais se sentir plier sous le poids formidable
Des vies dont, un beau jour, on s’est fait responsable,
Savoir qu’on a des joies ou des pleurs dans ses mains,
Savoir qu’on est l’outil, qu’on est le lendemain,
Savoir qu’on est l’aidant, savoir qu’on est la source ;
Aider une existence à continuer sa course.
Et pour cela, se battre à s’en user le cœur,
Cette fatigue là, Monsieur, c’est du bonheur.
Et sûr qu’à chaque pas, à chaque assaut qu’on livre,
On va aider un être à vivre ou à survivre ;
Et sûr qu’on est le port ou la route ou le gué,
Où prendrait-on le droit d’être fatigué ?
Ceux qui font de leur vie une belle aventure
Marquent chaque victoire en creux de leur figure ;
Et quand le malheur vient, ils mettent un creux de plus ;
Parmi tant d’autres creux, il passe inaperçu.
La fatigue, Monsieur, c’est le prix toujours juste,
C’est le prix d’une journée d’efforts et de lutte.
C’est le prix d’une journée de bonheur, c’est un luxe.
C’est le prix d’un labour, d’un mur ou d’un exploit ;
Non pas le prix qu’on paie, mais celui qu’on reçoit,
C’est le prix d’un travail, d’une journée remplie,
C’est la preuve, Monsieur, qu’on vit dans la vie.
Quand je rentre le soir et que ma maison dort,
J’écoute mes sommeils et là, je me sens fort.
Je me sens gonflé de mon humble souffrance
Et ma fatigue à moi, c’est une récompense.
Et vous me proposez d’aller me reposer,
Mais si j’acceptais là ce que vous me proposez
Si je m’abandonnais à cette douce intrigue,
Mais je mourrais, Monsieur, tristement, de fatigue…
Robert Lamoureux
Merci à chacun de passer ici, dans nos vies et dans nos coeurs,
Franck