- mer. mars 11, 2009 11:16 pm
#137689
Bonsoir Vivi et Farahnez,
Bonsoir aussi à ceux qui passent par chez nous régulièrement,
Je m'assieds devant mon ordinateur un moment. J'étais devant le football, les lyonnais rateront encore la Ligue des Champions cette année, semble-t'il... Alors, j'en profite pour venir donner des nouvelles de la maison.
Thomas a débuté son régime. A vrai dire, ce n'est pas exactement un régime, plutôt une sorte de rééquilibrage de son alimentation. La fameuse pâte à tartiner au chocolat du matin a cédé la place aux tartines de beurre, jus d'orange et fruit. Le goûter a lui aussi perdu de son "opulence" oserais-je dire. Pour le reste, les repas comportent plus de légumes et les quantités sont plus restreintes. Il semble s'y faire, on verra les résultats au fil du temps. Papa aussi a du ventre, c'est peut-être un peu dans les gênes, alors autant se surveiller. Le gros problème réside surtout dans le fait que Thomas ne mange presque jamais de viande, que du jambon. Il n'aime pas trop la viande.
Le moral va, je pense. Bien que quelquefois l'idée de remettre le corset provoque des soufflements à Thomas. Le truc qui chagrine Thomas, en ce moment, est que le corset grince. Papa a tout essayé, resserré les vis et regardé les rivets mais cela grince toujours selon les postures. Apparemment pas grand chose mais cela lui déplait. Gageons que lors de la visite d'Avril, après la radio, on arrivera à faire taire ces petits bruits qui lui gâchent la vie. Il arrive que Thomas soit parfois un peu "raide" de caractère avec sa sœur ou nous. Mais il se fait reprendre et pleurniche ensuite. Ce n'est pas dans son tempérament mais je ne pense pas que cela soit dû à une baisse de moral, plutôt à un passage de l'enfance que l'on rencontre tous. Du moins, je l'espère. Pour la cravate, il s'agit du morceau de mousse qui recouvre la barre de devant du corset. C'est ainsi que le nomme l'appareilleur.
Tu sais, Farahnez, je suis un peu gêné de réveiller en toi de mauvais souvenirs au travers de mes propos. Là n'est pas mon but. Moi aussi, je garde au fond de moi les débuts de traitement de Thomas avec une place à part. Mêlée de peine, de courage et d'amour. Ces moments n'appartiennent qu'aux parents qui les ont vécu, ils semblent parfois durs à raconter aux autres. A faire comprendre et ressentir à ceux à qui l'on parle, "au dehors".
Le traitement de Thomas fait partie de ma vie, de la sienne et de celle de toute la famille. Mais il reste un peu là, toujours en travers de la gorge même s'il sait se faire oublier au fur et à mesure que l'on vit avec. Il sait toujours se faire rappeler. Il faut regarder sa montre, le remettre et ne pas l'oublier. Même lorsqu'il n'est pas là pendant quatre heures, il reste tout près.
Au hasard des boîtes à photos, où des cadres sur les murs, il y a toujours quelque chose pour nous rappeler qu'il y a un avant et un maintenant. Les photos d'autrefois, de vacances ou d'ailleurs, font repenser au Thomas d'autrefois. Petit garçon joueur et câlin, rêveur comme jamais et si affectueux. Une époque révolue quelque part, que l'on a vécu il y a je ne sais combien de temps. Dont on ne se rappelle même plus le goût, l'odeur mais que l'on voudrait toucher du doigt parfois. Pour une heure ou un instant.
Les photos d'aujourd'hui de Thomas portent pour la plupart un corset que l'on voit sortir de son pull, de ses tee-shirts. On mesure souvent le temps qui passe au rythme des photos, instant volés à autrefois à jamais figés. Je me souviens que la première année où il a porté son corset, il avait fait un cadre avec sa photo à l'intérieur pour la Fête des Mères, à l'école. En l'offrant, il nous a fait voir la photo prise à l'école, presque désolé parce que l'on voyait son corset. Malgré le mal au cœur que nous avions pu ressentir, nous lui avions dit que ce n'était pas grave, qu'il en était ainsi, qu'il était aussi beau qu'avant avec.
Dans ma sacoche de travail, je possède deux photos. La première montre un Thomas rondouillard à 5 ans à peine, enlaçant sa sœur sans cavernome qui arrive à peine à toucher terre, dans un gros câlin. La deuxième d'aujourd'hui les montre encore enlacés. Elle plus grande avec son cavernome invisible et lui en corset, droit comme un I. Quelquefois, ces souvenirs me donnent le bourdon.
En définitive, le corset de Thomas a changé plein de choses. Il semble si grand, si mature aujourd'hui par rapport à hier. Nous aussi, ses parents, sommes différents. Nous le mesurons au regard ou aux paroles de ceux que nous côtoyions autrefois lorsque nous venons à les croiser. Ils mesurent la difficulté des choses, le labeur à la présence du corset de Thomas. Eux qui croyaient qu'il n'aurait que l'existence en durée d'un plâtre ou d'un mauvais mal de dos. Je crois qu'ils comprennent enfin la longueur de notre parcours et en ressentent enfin de l'empathie, du respect pour nous, pour lui. Finalement, nous avons changé au fil du temps. Nous avons appris l'amour un peu plus, la patience, le courage de tous les jours. N'en sommes nous pas aussi plus grands et plus matures nous aussi...? Sûrement que si. J'en veux pour preuve le respect, la compréhension, presque teintée de nostalgie, des gens qu'il nous arrive de croiser et dont l'un des enfants a porté un corset Milwaukee. Ils savent et comprennent, on le voit dans leurs yeux, presque émus lorsqu'ils nous abordent...
Meilleures pensées,
Franck