- mar. sept. 28, 2010 11:05 am
#178952
Bonjour,
Aujourd’hui, l’envie me prend de rendre hommage à Thomas. Chacun ici pourrait d’ailleurs en faire de même avec son enfant. Avec les mêmes mots, les mêmes sensations parfois tendres, tristes ou fières. Toutes les histoires d’enfants se ressemblent, toutes les histoires de parents aussi finalement.
Thomas n’a jamais donné de nom à son corset. Je le lui avais proposé au début ou par la suite mais il ne l’a pas voulu, pas désiré. Alors il est resté le corset de Thomas, sans nom mais pas sans respect. Je me souviens qu’il avait un jour au réveil cassé les mâts de son Milwaukee. Nous avions filé chez l’appareilleur dès l’ouverture pour vite le réparer. On aurait pu l’enlever le temps du trajet, mais Thomas n’avait pas voulu. Il fallait le porter coûte que coûte pendant les heures destinées au traitement. Je me souviens de son angoisse face à ce corset cassé et de l’importance que cela revêtait pour lui de vite le réparer pour vite le reporter. Si surprenant.
Aussi surprenant que la relation qui unit le petit bonhomme des débuts avec son armure imposante. Ou le grand garçon d’aujourd’hui avec son « tee-shirt » de plastique.
Au fond, qu’est-ce qui a changé de ses débuts en Milwaukee à 7 ans jusqu’au corset d’aujourd’hui ?
Peut-être le temps de port, des 23 heures d’hier aux 18 heures d’aujourd’hui. Cette sensation qu’il fallait vite en profiter de cette heure pour se câliner, se serrer, passer nos mains sur son dos doucement comme il l’aimait, simplement. Cela passe si vite une heure. Maintenant, le temps passe six fois plus doucement mais il est encore des moments où nos mains caressent son dos patiemment.
Sûrement la facilité à vivre aujourd’hui avec son petit corset, tellement plus léger et surtout plus discret. Presque invisible sous ses vêtements d’Automne. A comparer à ce diable de Milwaukee parfois encombrant ou voyant. Mais pourtant si digne d’amour ou de respect pour sa mission si bien remplie. Tapis dans le placard du palier à l’étage de la maison, celui qui ne l’a jamais rencontré se demande ce qu’est cet objet bizarre. Nous nous savons, pour toujours jusqu’à la fin de nos vies ce que nous devons de peines, de doutes mais aussi de joies et de réussite à ces corsets endormis pour toujours dans l’obscurité. Il suffit d’ailleurs de les prendre en main pour se rendre compte qu’il n’était pas grand, Thomas, au début du traitement. Et les yeux d’aujourd’hui s’embuent et l’on se rappelle doucement, tendrement...
Le Thomas d’aujourd’hui rechigne un peu parfois pour le remettre, son corset. Il faut un peu se fâcher quelquefois. Mais la sagesse et la raison, apprise au fil du traitement, l’emportent toujours. Jusqu’à aujourd’hui en espérant que cela durera longtemps.
Le corset d’aujourd’hui de Thomas n’a toujours pas de nom, mais il garde respect et confiance. Il est entré, ce traitement, dans la maison depuis longtemps. Thomas a eu dix ans Dimanche et a poussé avec son tuteur. Comme les arbres qu’il épousait parfois dans les parcs, se serrant contre eux, avec leurs tuteurs. Parce qu’ils se ressemblaient comme il disait.
Je ne crois pas, au fond de moi, que Thomas soit satisfait trois ans après de ce traitement. Il s’y est fait, voilà tout. Nul doute qu’il poserait bien tout cela pour vivre comme tous les gosses qu’il croise. Cela le peine parfois, nous avec et il le sait. Le plus dur parfois est « de faire avec ». On le sait bien, tous, à la maison.
Le traitement d’aujourd’hui est entré dans nos consciences. On en parle moins chez nous. On a parfois peur d’oublier, de banaliser alors on en parle quand même parce que c’est important. Si l’on est content en sortant des visites trimestrielles, notre joie de parents sait être mesurée. Parce que, pour Thomas, rien ne change. Le traitement continue et nous ne l’oublions pas. Ce serait si égoïste.
Dimanche, je suis allé à la piscine avec mon fils. Tous les deux entre hommes. En nous changeant, on a un peu parlé de tout cela. Peu importe ce que l’on s’est dit, on a partagé ensemble et c’est tellement important, essentiel. Je sais juste que l’on s’est dit à la fin qu’on ne lâcherait pas, qu’on finirait le traitement et que l’on gagnerait. Puis il est parti avec sa serviette pour aller se baigner. Je l’ai regardé s’éloigner en trottinant. Plus mince qu’avant, plus grand avec son drôle de creux sur le côté d’un rein que lui provoque son corset si serré. Un peu rouge sur les hanches, quelques bleus sur la peau aux endroits ou le corset le pince.
Son petit corps de gamin, un peu marqué est à lui seul un rappel à l’ordre pour nous dire que oui, finalement, on s’y est tous faits à ce traitement. Mais que rien n’est finit et qu’il marque encore Thomas. Sur sa peau. Dans son coeur de grand garçon aussi, souvent...
Meilleures pensées,
Franck
Modifié en dernier par franck le mar. sept. 28, 2010 8:01 pm, modifié 1 fois.