- mar. mars 13, 2018 4:52 pm
#301397
Bonjour,
Le temps court vite, si vite.
J’ai relu ces derniers jours l’Histoire de Thomas et toutes ces instants de vie, ces péripéties, ces belles phrases partagées à l’époque de la maladie de mes enfants. Comme ça, juste par envie, par besoin aussi peut-être de retrouver un peu de mélancolie. J’avais d’ailleurs lu un jour que Victor Hugo avait dit que la mélancolie était le bonheur d’être triste…
Il est parfois si étrange de presque prendre du plaisir à relire nos douleurs d’hier. A revivre nos jours sombres d’autrefois. Oserais-je d’ailleurs dire qu’une larme, ou même plusieurs, ont coulé le long de ma joue en retrouvant mille beaux souvenirs enfouis, déjà presque oubliés, de ce passé si proche, si lointain.
Il faudrait pouvoir retrouver tous les acteurs de ces beaux moments, tous ceux avec lesquels on a échangé par ici. Tous ceux avec qui l’on a partagé des peines, des joies, des rires ou des doutes. Il faudrait pouvoir les réunir autour d’une table ou les emmener avec soi dans un petit coin caché, à quelques lieues d’ici. Pour exemple, là-bas, dans un joli coin de Chartreuse ou j’aime remonter aux beaux jours pour prendre la brise légère par-delà les nuages noirs de ces mois d’hiver, goûter le silence face au tumulte permanent d’en bas.
Prendre un moment pour échanger avec eux, savoir ce qu’ils sont devenus. Même s’ils sont partis d’ici, les rattraper juste le temps d’un instant pour leur dire qu’on les aime. Pour de bon, loin des faciles pouces levés d’aujourd’hui, des « J’aime ça » de pacotille ou des choses que l’on partage sans avoir lu plus en avant, plus en dedans. Leur redire de venir par ici se raconter, partager, rire, s’émouvoir de leur vie, de leurs envies pour demain. Remettre à nouveau plein de couleurs dans les histoires d’enfants pleines des larmes sucrées du bonheur. Ou de celles plus salées et acides des jours mauvais.
Et se rappeler de chacun un peu, beaucoup, passionnément, à la folie. Le temps court vite, si vite…
Il faudrait pouvoir dire à Justine que tout cela ne reviendra pas, que cela ne se peut pas, que l’on ne veut pas tout simplement. Qu’en serrant les poings très forts tout disparaîtra comme quand on était mômes. Oublier les maux de ventre, la prise de sang de ces derniers jours, l’échographie à venir, le rendez-vous prochain pour voir si tout cela n’est pas revenu avec le temps qui court vite, si vite. Et chasser les fantômes d’hier comme on ferme une porte au nez des imposteurs, des fâcheux ou des filous pour ne jamais revivre ce que l’on a passé, combattu, vaincu à force d’amour.
Il faudrait pouvoir dire à Valérie qui a si souvent mal aux jambes que ce n’est que de la fatigue. Que l’on ne veut pas, que ça ne se peut pas que cela soit la maladie de son papa. Ou prendre un simple médicament tous les jours, comme pour l’épilepsie et oublier cela aussi. Rire de tout, honnir la maladie. La balayer d’un revers de la main. Effacer les mots laids de notre vocabulaire. Incurable, héréditaire, congénital et tant d’autres qui ne nous laissent pas rêver, croire à mieux. Découvrir enfin l’élixir du bonheur qui guérirait tous nos maux.
Il faudrait pouvoir ne jamais grandir, ne jamais vieillir parfois. Garder une âme d’enfant et profiter de tout à pleines dents en se disant que ce n’est pas si grave, que tout passera bien plus tard quand on sera plus grands. Rire de la maladie comme de tout, sans en prendre ombrage et chasser avec défiance tous nos malheurs d’un revers de la main. Et au-delà, par-dessus tout, dire à nos adolescents d’aujourd’hui comme on les aime au-delà des fâcheries de certaines fois avec eux. Leur demander aussi de lire un jour leur histoire ici, pour ne jamais oublier d’où l’on vient. Et surtout que l’amour l’emporte toujours à la fin, s’en persuader à jamais.
Il faudrait pouvoir partager, rire, s’émouvoir. Dormir des heures à poings fermés d’un sommeil profond et réparateur, plonger dans l’eau bleue, écouter le vent, brûler sa peau au soleil de l’été, s’enivrer des beaux jours et retourner en arrière pour ne plus jamais laisser l’injustice gagner. Maudire les chagrins, le doute, la peur. Stopper ce monde déshumanisé qui va trop vite, gavé de réseaux sociaux, de pensée unique, de pauvreté d’esprit. De solitude en définitive de n’avoir que trop d’amis factices. Et encore s’aimer sans ne rien regretter de tout ce qui est derrière en salivant d’avance pour ce qui arrivera demain… Impatients comme au début, heureux et pressés comme au premier jour. Pour toujours.
Il faudrait pouvoir…