- jeu. oct. 10, 2013 6:34 pm
#260763
Bonsoir à tous,
"Une journée comme les autres" vient de nouveau de se terminer. Je ne me rappelle pas, en définitive, combien sont passées depuis la première. Je me rappelle néanmoins de mes joies, de mes peines, de ces instants qui serrent le cœur plus que d'ordinaire. De ces jours qui rendent chacun plus attentif aux lendemains de l'autre, nous apprenant la solidarité encore mieux.
Je me souviens aussi de ce petit bonhomme qui courait à la rencontre de son Papa qui l'attendait en bas, sous le porche des urgences en tirant nerveusement sur sa cigarette. Il y en a eu des corsets. Des Milwaukee, des GTB, puis plus rien pendant quelques temps et à nouveau des GTB. Les choses sont si anciennes me semble-t'il parfois. D'ailleurs, je ne me rappelle plus vraiment d'avant la scoliose, des années sans corset. Il me semble presque avoir toujours connu Thomas ainsi. Ce sentiment est parfois si bizarre...
Ces journées là ont pour moi quelque chose de spécial, une saveur particulière malgré le doute qu'elles engendrent. Elles me permettent de partager un moment à part avec mon fils et cela n'a pas de prix. Thomas ne parle pas souvent de tout cela. Je ne sais pas s'il le vit bien ou mal, je sais juste qu'il compte sur nous à ses côtés dans ces moments pour l'épauler. Je sais aussi qu'il a du mal à échanger sur tout cela, pas trop envie d'en parler. C'est ainsi et nous respectons cela en essayant parfois d'en discuter pour voir si tout va bien.
Ces journées là, mon fils s'assied dans le couloir sur les sièges en attendant son tour et il parle avec son Papa. Il échange, entre complicité et confidence, toutes les choses qui le tourmentent ou celles qui le travaillent en gardant une place pour l'affection et les rires aussi. Ces journées là, il lui arrive de poser sa tête sur mon épaule comme il y a mille ans, juste pour sentir que tout va bien, que les siens sont là. Sa main se pose sur la mienne aussi, au fur et à mesure de ces instants. En un mot, je suis un privilégié.
Les temps changent. Il en est là aussi ainsi. Lorsque je suis dans ces couloirs, au gré de mes attentes, je regarde tout autour de moi et en définitive, je vois parfois si peu de choses qui me font rêver. Je vois des Papa, des Mamans, des enfants certes. Mais je vois aussi des portables que chacun utilise dans son coin, des casques sur les oreilles, des tablettes numériques. Et parfois au milieu de tout cela, heureusement, d'autres gens avec un peu d'amour à se donner, un peu de mots à échanger, de moments précieux à partager. Alors, oui, je suis un privilégié.
C'est un peu mon coup de gueule contre la société vers laquelle nous glissons doucement, au gré du "progrès", celle des SMS plutôt que de la discussion, celle de l'e-mail plutôt que d'une bonne bouffe entre potes pour refaire le monde. Celle du chacun dans son coin, même si l'on a jamais eu autant de moyens de communication. Je ne suis pas un "Père la morale", juste parfois un type qui regrette que tout soit devenu ainsi. Plus impersonnel, plus aseptisé, dirigé vers l'appartenance au groupe, plutôt que vers le vrai partage. Alors, mon privilège est un vrai trésor. Rare.
Thomas a donc passé sa visite aujourd'hui. Il n'y avait pas de radio de prévue. Donc le rendez-vous s'est concentré sur un examen clinique, assez rapide. Le grand docteur n'a pas été très loquace aujourd'hui. Les choses sont stables, d'après lui, au niveau de la courbure. Il n'y a pas de gibbosité. A vrai dire, il pense même que les résultats sont bons. La radio sans corset dans trois mois le confirmera, j'espère. Le leitmotiv du docteur est toujours de s'appliquer à perdre du poids et Thomas doit se donner encore plus de mal à ce niveau. Il le sait.
Nous avons évoqué la pratique du tennis, préférée au judo par le généraliste de Thomas. Le docteur a paru surpris. Lui aurait été d'accord pour le judo. Pourtant, tout ce que j'ai lu sur ce sport et la scoliose me semblait défavorable. Mais bon. Finalement, comme l'a dit le docteur, l'important est la pratique d'un sport. La vie en groupe avec les autres, le partage de l'effort.
Nous sommes finalement repartis satisfaits de toutes ces bonnes nouvelles en espérant que tout continuera ainsi dans trois mois.
Il sera alors temps de reprendre un moment ensemble, pour reparler de tout cela. Partager espoirs et craintes et se serrer un peu plus pour se donner du courage. Mais pas pour tout de suite, plus tard, encore un peu plus loin dans la vie...
Meilleures pensées,
Franck