- jeu. juin 02, 2011 12:28 am
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Bonsoir,
Je m'appelle Franck, j'ai 40 ans. Je suis marié et j'ai deux enfants. Il est temps, je pense, ce soir de raconter ma vie et ce qu'elle a été jusqu'à aujourd'hui.
J'ai trois frères âgés de 44, 38 et 22 ans. Ma mère est décédée alors que j'avais 20 ans, d'un cancer des os foudroyants. Je me souviendrais tout le long de ma vie, me semble-t'il, de mon petit frère de 2 ans alors qui faisait le tour de la maison en cherchant sa Maman. Mon père nous a quitté quelques années plus tard, emporté par le chagrin et les paradis artificiels que celui-ci suscite. A partir de ce jour, j'ai élevé mon petit frère, en devenant son tuteur. Il est aujourd'hui devenu un homme.
Mon frère aîné a deux enfants, handicapés moteurs mais aussi mentaux qu'il élève avec grand courage. Je suis souvent ému devant son investissement même si souvent il avoue avoir le moral proche du néant. Je n'ai pour lui que de l'admiration et bien souvent, je suis ému de sa situation. Son ex-femme, coupable de la situation de ses enfants est aujourd'hui aux mains de la justice. Son sort ne nous regarde plus...
Mon fils, Thomas, a un jour été victime d'un méchante scoliose : 32 et 27 degrés de courbure. Il a été appareillé le 27 Août 2007. Pendant quatre longues années. Il a porté un corset Milwaukee pendant les premiers temps, ce fameux corset à têtière. Malgré ce que cela implique, Thomas a porté son corset avec courage et confiance. Puis ensuite, il a porté un corset moins voyant. Aujourd'hui, les choses se sont améliorées pour lui. Sûrement que tout cela a laissé une trace dans son coeur d'enfant. A jamais. Il ne porte plus de corset mais repassera la radio semestrielle mi-Juin et verra son professeur le même jour. J'espère de tout coeur qu'il arrivera à ne pas avoir à reporter de corset. Parce que je sais ce qu'il en coûte à chacun, malgré les commentaires éclairés des autres. C'est pour cette raison là que je me suis investit avec force sur ce site. Pour aider ceux qui comme moi en ont terriblement souffert.
Et puis, il reste Justine. Justine a un cavernome portal. Chacun ici connaît dorénavant la teneur de ses maux. Aujourd'hui, Justine s'est fait opérer de son cavernome portal. Elle est entrée au bloc chirurgical ce matin à 9H30 et en est ressorti ce soir à 17H30.
Me comprendrez-vous si aujourd'hui je vous dis avoir eu peur de perdre ma fille ? Comprendrez-vous mon émoi à mon dernier câlin avant l'opération, les larmes à peine voilées de sa Maman à cet instant ? Nos doutes, notre inquiétude et notre peine de parents ?
J'ai passé la journée à vagabonder avec ma femme. Elle est belle comme le Printemps, douce comme le vent d'Été. Gentille, courageuse au possible. A errer comme une âme en peine en attendant que tombe le verdict.
Ce soir, à 17H30, on m'a enfin rendu ma fille. Mille ans après m'a-t'il semblé. Le médecin nous a dit qu'il était satisfait des résultats, qu'il pensait que l'opération est une réussite. Il reste à passer une échographie Samedi pour confirmer la qualité du pontage.
J'ai enfin pu voir ma fille à 18H. Elle ne nous a pas vu, elle dormait. Aujourd'hui, Mercredi 1er Juin 2011, Justine donne l'impression "d'être passée sous un bus". Mais il semble bien malgré tout qu'elle ait définitivement gagné l'un des plus beaux combats de sa vie. Elle n'a pas ouvert les yeux, s'est contenté de gémir sa douleur de temps à autre. Elle a une aiguille plantée dans sa veine jugulaire à hauteur de l'épaule afin de faire passer les médicaments. Un tuyau sur le nez pour l'aider à respirer. Un cathéter sur chaque main, une multitude de fils sur le ventre, d'électrodes. Mais son coeur bat à la chamade, comme le coeur d'une amoureuse. Plein de vie.
Son cou est entaillée de deux cicatrices nettes de cinq centimètres et un accent circonflexe d'une trentaine de centimètres traverse son ventre du nombril au sternum. Mais elle est là et a gagné. Je crois qu'elle m'a manqué comme si elle était partie un siècle. J'ai eu tellement peur de ne pas la revoir. Elle a une petite pompe à morphine qu'elle actionne régulièrement malgré son état léthargique afin de chasser la douleur.
Ce soir, à l'heure d'éteindre nos lumières à la maison, elle sera toute seule à l'hôpital et nous manque. Justine, elle ne marche pas, elle gambade. Elle ne joue pas, elle vit avec joie. Si elle arrive qu'elle soit occupée à dessiner ou lire, il suffit de tendre l'oreille pour l'entendre chantonner ou murmurer.
A table, elle passe de l'entrée au dessert, du plat chaud à l'entrée et vice et versa. Elle ne tient pas en place et aspire la maison derrière elle dans son tourbillon d'activité que le médecin a requalifié d'hyper-activité. Sa présence est un phénomène à elle seule. Un appel à la joie, un murmure dans le silence. Une part de l'âme de ma maisonnée. Alors, elle nous manque... comme l'eau à la vie. Il lui reste à passer 24 heures en réanimation et après cela ira. Que voulez-vous, je suis comme Saint Thomas.
Je m'appelle Franck, j'ai quarante ans. Je vais aller me coucher sans tarder, je suis fatigué. Fatigué mais heureux. Fier des miens, de ma drôle de vie ou j'ai souffert plus qu'à mon tour et les miens avec. Croiriez-vous que pour rien au monde, je ne donnerais ma place et n'effacerais mes peines pour aucun trésor en échange ? Je suis fier de mes frères, de leurs mômes différents pour certains. De ma famille, de mes souvenirs, de mes larmes qui coulent maintenant sur mes joues. Au goût salé. Je suis fier de mon Thomas et de sa vie en corset d'hier. De son courage de ces jours là. De ma fille. Et de mes parents qui auraient aimé être là aujourd'hui et dans les bras desquels j'aurais peut-être versé mes larmes de l'instant.
Valérie est inquiète des cicatrices de Justine. Moi, j'espère qu'elle les portera malgré tout avec courage et fierté. Sans les cacher plus tard. Pour pouvoir dire au monde entier d'où elle vient avec les siens et tout l'amour qu'elle a appris au travers de l'histoire de ces vilaines balafres. Pour toujours. Longtemps, longtemps....
Meilleures pensées,
Franck
à Justine et Thomas.
s et vous envoie plein de courage ... 
