- ven. mars 28, 2008 12:16 am
#105942
Bonsoir Bibi,
J'ai attendu des nouvelles de Juliette depuis son rendez-vous. Et je les ai eu. Alors, je viens à toi pour te dire que nous pensons bien à vous.
Je ne pense pas que tu ais donné de mauvais dos à tes enfants. C'est la nature qui l'a voulu ainsi. Quand nous avons appris que Thomas allait porter un corset, Valérie a eu elle aussi cette première réaction : "C'est de ma faute...". Je l'ai sermonné, je lui ai dit qu'elle n'avait pas le droit de dire cela. Que de toute façon, on y était, en plein dedans. Il ne faut pas chercher de coupables, juste trouver des solutions est déjà une bonne chose. Elle a cherché avec sa mère qui avait une scoliose dans ses ascendants ou les miens. Je lui ai dit de ne pas aller plus loin. Que cela n'arrangerait rien à sa peine, qu'elle y gagnerait une colère contre elle injustifiée.
Ma fille a un "truc", une épée de Damoclès au dessus de la tête. Mon fils aussi. Pour tout dire, plus encore que pour Justine, la maladie de Thomas me "bouscule" souvent. Elle m'empêche de me concentrer, de profiter de Ma Vie, d'être bien dans ma peau. Elle revient au gré d'une pensée, quand je ne suis pas chez moi. Je le regarde assis droit comme un "i", couché la nuit dans ses rêves.Où est-il, comment va-t'il ? Je regarde son profil chaque jour sans le corset, inspecte la moindre bosse de son dos, la moindre "tâche" aussi, cela m'est arrivé. Thomas en une dans le dos. Je pourrais aller chercher des infos là-dessus et m'en rendre fou. Alors, basta. Je n'y vais pas. Il m'arrive de m'endormir en corset, de rêver de corset. Et quand je me réveille, je vois le corset.
Cette maladie est si bizarre. Nos enfants sont si différents des autres et pourtant si...pareils. Souvent, lorsqu'il joue, Thomas tire sur la barre de son corset comme s'il voulait l'arracher parce que parfois elle le gêne. Je pense sincèrement qu'au fond de lui, il en a marre de ce "machin". Mais il n'en parle pas, ou si peu.
Moi, je cherche souvent dans mon esprit. Ce que j'ai pu faire un jour pour que tout ce qui m'est arrivé jusqu'à aujourd'hui soit cerné de sales coups. Mes parents, mes gamins... Il m'arrive d'en vouloir à la terre entière sans motif. De fuir les autres et leur...uniformité. N'aurais-je pas un jour un peu de repos, un bonheur sans failles ? Ce corset est tombé dans ma vie alors que nous remontions doucement la pente et patatra.
Et puis, je regarde derrière et je vois autre chose. J'ai aidé mes parents à partir quand la maladie les a emporté. J'ai aidé ma femme qui pleurait à relever la tête, même si elle ne parle pas souvent du corset, du traitement, de la suite des choses. J'ai aidé mon frère à devenir un homme au départ de mes parents. Et j'ai donné de l'amour à mes enfants. J'ai gardé les pieds solidement ancrés au sol face au vent. J'ai, depuis qu'il est malade, passé les meilleurs moments de ma vie avec mon fils et les miens. J'ai emmené mon fils voir l'Aiguille du Midi du sommet du Mont Blanc, le lever du soleil sur les lacs de Savoie quand l'eau est rouge et couverte d'une brume mystérieuse. Je lui ai inventé des mondes dans ses jeux d'enfant, promis un avenir souriant à grands coups d'amour et de respect. J'ai dormi près de lui, dans ses bras contre son corset, tenu sa main dans la mienne. J'a séché ses larmes et redonné un futur à ses rêves inquiets.
Alors, même s'il tient sa scoliose de moi, je pense qu'il m'aime fort comme tout. Qu'il ne m'en veut pas et a confiance, comme ma fille. Parce que ce que je donne c'est mon temps, mon amour, ma patience, mon courage. Ce que toi aussi , tu donnes comme chacun par ici.
Je ne sais pas de quoi demain sera fait, s'il sera mieux ou pire. Je sais juste que je courberais l'échine si malheur arrive. Après, j'en voudrais au monde entier et puis je me relèverais et je repartirais comme toujours car je crois en demain, formellement. Ma vie est belle malgré tout, la vôtre aussi. Il suffit de voir derrière, la qualité de votre affection.
La chanson dit : " C'est pas marqué dans les livres, que le plus important à vivre, est de vivre au jour le jour... Le temps, c'est de l'amour.
Embrasse Juliette - belle fille de mon coeur, Baptiste et l'homme de ta vie pour nous et sois sûre de notre soutien,
Franck