- mar. nov. 03, 2009 10:13 pm
#152465
Bonsoir,
Le temps passe plus doucement en ce moment. A la mesure des jours qui raccourcissent, de l'année qui se termine, la douceur a envahi le quotidien. Les choses laissent un peu de temps, les soucis un peu de répit, alors chacun en profite.
Thomas profite mieux de la vie depuis que son corset a changé, quelques mois auparavant déjà. Au fur et à mesure que sa scoliose se stabilisait, oserais-je dire régressait, son corset a fondu comme neige au soleil pour devenir presque invisible sous ses vêtements d'automne. Les Milwaukee d'hier n'ont pas disparu pour autant. Ils ont toujours une place dans un placard et plus sûrement dans nos souvenirs des jours d'avant. Le petit corset bleu de Thomas lui permet telle ment plus de choses... Il n'est pas très branché sport, il se "contente" de ses deux heures de kiné hebdomadaires, d'une séance de piscine par semaine avec la famille et de pédaler sur son vélo lorsque le temps lui permet d'accompagner Papa dans son footing. Voilà au moins une belle locomotive pour Papa. Thomas et sa sœur filent en vélo, alors il faut s'accrocher, hausser le rythme pour les suivre.
Je crois, au fond, que Thomas a trouvé sa voie. Le plus beau cadeau pour lui est un cahier et un beau stylo pour écrire, dessiner, inventer des histoires. Faire le monde à sa guise au gré de ses rêves d'enfant. Il aime à lire, s'informer, écrire. Peut-être finira t'il écrivain ou journaliste un jour, qui sait ? Sa tranquillité a une valeur sans égal, même s'il n'oublie pas de temps à autre de courir et crier avec Justine, dans la maison ou dehors. Il arrive aussi parfois que les esprits s'échauffent et que Papa trouve les enfants punis en rentrant du travail.
Je crois que ce petit bonhomme m'a bluffé, en fait. Bien souvent, je le regarde du coin de l'œil et je m'en étonne, mais oui, il est épatant finalement. Avant tout cela, avant la tempête, il fallait se battre pour le moindre comprimé qui devait finir écrasé dans un peu de compote, faire une croix sur les suppositoires et s'armer de patience pour les sirops. Et puis, le corset est arrivé. Nous croyions que ce traitement serait impossible, inacceptable au vu de ses états d'âme. Mais il n'en a rien été, il est passé "comme une lettre à la poste". Sans combats. Comment cela a t'il été possible, je me le demande encore aujourd'hui. Et surtout qu'en sera t'il demain, en grandissant au Collège, là où les choses deviennent plus ardues. Même si je me dis que nous verrons, j'en garde une angoisse certaine...
Il grandit et se voudrait parfois déjà un peu homme, comme les garçons de son âge. Mais il n'oublie cependant pas de prendre du temps pour jouer aux voitures, aux Playmobils, à la console comme tout un chacun. Il lui arrive même parfois le soir de s'allonger avec Papa sur le tapis du salon pour regarder la télé, bien serré contre moi. Je crois que j'aime cela, c'est mon moment câlin à moi. Mais il ne faut pas le dire aux copains.
Tu sais, je crois en fait que tout ce qu'il a aujourd'hui, il se l'est gagné lui-même en fait. Ces bons résultats, ce corset plus facile, cette quiétude malgré la contrainte. Moi, je marche à côté avec mes soucis de grand, du mieux que je le peux. Attentif et solidaire. Mais lui, il fait le travail sans rechigner, même si quelquefois, il prendrait bien un peu de repos dans son traitement. Il doit sûrement avoir des angoisses face à tout cela, des doutes, des craintes même s'il n'a que 9 ans, une lassitude de quelquefois. Il doit ressentir ce doute qui revient tous les trois mois, cette peur qu'on lui pique ses 4 heures de paix. Qu'on lui dise un jour qu'il en faut plus pour y arriver. Alors il s'applique et profite de ce qu'il a. Il sait dans son esprit que rien ne sera plus comme avant pendant pas mal d'années encore mais il n'en prend pas trop ombrage. Il veut juste conserver son acquis le temps qu'il le faudra, je pense. Il s'est certainement rendu compte qu'il y avait gagné en respect, en affection de ma part... en présence tout simplement. La seule chose qu'il m'est possible de faire finalement...
Justine a gardé sa vivacité de tous les instants, toujours alerte pour faire une bêtise ou chaparder quelque chose à la quiétude de son frère. Juste pour le faire enrager. Il arrive que les choses dégénèrent mais les choses reviennent vite dans l'ordre et l'affection l'emporte toujours. Elle court, grimpe, escalade, gambade sans répit... pour finalement s'endormir après dîner, épuisée de sa journée. Elle garde ses câlins pour le retour de son Papa le soir et sait vite se faire pardonner lorsqu'elle a poussé le bouchon un peu loin. Certains jours, elle se lève plus tard, se met sur un fauteuil sous une couverture la moitié de la journée et ne bouge pas trop. Calme, elle saute même les repas. Alors, on la laisse tranquille en sachant qu'elle a peut-être un coup de moins bien. Compagnon de route de Thomas, elle est de toutes les activités : piscine, vélo, marche. Et même le foot ou la guerre avec les garçons. Elle ne craint personne et a même parfois le réflexe défensif trop rapide. Alors, les grands du quartier ne l'embêtent pas de trop, elle sait se défendre...
Elle sait qu'un truc traîne dans les parages. Qu'elle devra bientôt, on ne sait pas encore quand, passer un examen. Peut-être se faire opérer. Elle aussi doit en tirer probablement des inquiétudes dans sa petite vie d'enfant mais pour le jour présent, elle n'en prend pas ombrage. Et puis, Papa a promis qu'il sera là, alors ça va.
Finalement, je crois que tout cela mis bout à bout, ces instants de peur ou de tristesse, nous a donné quelque chose que l'on avait pas hier. Une valeur en plus, une solidarité, une affection commune qui finit par passer inaperçue quand les choses vont bien. Cela a permis de prendre un peu de temps pour s'écouter, se rassurer. Pour jouer ensemble et profiter des jours qui passent quelle que soit la difficulté du moment, quoi qu'il en coûte. C'est bizarre à dire, mais je me sens mieux dans mon costume de Papa aujourd'hui. J'ai sûrement appris mille fois plus en peu de temps qu'en vingt ans auparavant. Il m'arrive de prendre mon temps pour vivre auprès des miens tout simplement. On s'en serait bien passé, mais maintenant que l'on est là on ne regrette pas. Il ne fait aucun doute que l'on a beaucoup appris et sûrement trouvé une place à nulle autre pareille ici, au milieu de vous tous...
Meilleures pensées,
Franck