- ven. mars 17, 2006 4:49 pm
#19397
Alors, Blandine, je suis très émue, car les questions que tu poses, on ne me les a jamais posées !
-Le port du corset : le corset que j'avais était une armure de plastic et de fer boulonnée par des vis. Tu es un enfant, et on te colle une armure sans t'expliquer la faute que tu as commise !
Impossible de rester quelques minutes au soleil, car le fer ça chauffe !
Ma peur : tomber à l'eau et me noyer.
Voilà l'effet que ça m'a fait il y a plus de 30 ans !
Un plâtre ? Le mien était énorme, avec d'énormes épaulettes qui me donnaient l'impression d'être un joueur de football américain. Inconfortable, il me sciait les cuisses et bloquait la circulation sanguine de mes jambes au collège.
Lorsqu'on m'a mis mon 1er plâtre, j'étais seule, j'étais hospitalisée sur Marseille, et mes parents n'étaient pas avec moi. J'ai crû que j'allais mourir étranglée par les sangles. Et surtt, pas une explication n'est sortie de la bouche de mon toubib ni de son assistant. Ils n'étaient occupés qu'à la fabrication de leur truc ! Mes pleurs sont restés en sourdine,... D'ailleurs, ils n'y ont même pas fait attention !
Les sensations corporelles ? Celles de n'être qu'un morceau de viande, qu'on modèle d'une certaine façon, mais en tout cas, pas la mienne !
Quand on m'a opéré, j'avais 16 ans. On m'a mis debout pour faire mon plâtre quelques jours après l'op. J'ai tourné de l'oeil !
Je n'avais plus de corps, seulement une tête qui fonctionnait sur un bout de bois ankylosé et douloureux. Mon corps n'existait pas ! C'était une plaie ouverte de haut en bas. Plus de seins, étirés comme ils étaient, ils étaient déformés.
Si on avait donné un micro à mon corps, je ne sais pas ce qu'il aurait dit, je crois qu'il n'aurait rien dit, ... Car il n'existait plus depuis longtemps !
Je m'explique, mes parents existaient, car ils avaient un enfant malade,
ma soeur existait, elle a doublé sa 3ème, troublée par les aller et retour pour venir me voir !
Et moi, j'avais de la chance d'être soignée, et de pouvoir repartir du centre, car d'autres y passaient leur vie.
Le regard des autres ? Mes cousines et copines me plaignaient et étaient heureuses de ne pas être comme moi.
Plus tard, une recherche de se démarquer un peu de la société, puisque celle ci m'avait mise à l'écart, j'avais été longtemps dans le monde des handicapés. Après donc, j'ai été différente, originale, introvertie sur certains sujets mais extravertie dans mes convictions (militante, manif, lutte ouvrière, le Che, Planning Familial....)
Puis, j'ai rencontré un garçon, il m'a trouvé belle, il a trouvé mon corps beau, cambré, mince, ....ah bon ! Vraiment ! Non, il se fout de moi ! ....
Bon, le temps est passé, je suis vieille, mais voilà mon parcours !
Merci Blandine, même si tu ne lis pas tout, j'ai ouvert mon dossier top-secret défense....
Bilan : je suis d'une époque où l'on ne parlait pas. Heureusement, les choses ont changé.
Se réconcilier avec son corps, je crois que c'est important pour les ados. Ne plus détester ce corps qui n'entre pas dans les paramètres exigés par la normalité. Lui laisser la parole, le toucher, ...le dorlotter !